Là où Missmath dérive et Weby intègre.

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Tueurs en série



Il y a très très très longtemps, dans un pays lointain, il y avait un royaume dont les habitants étaient de fervents amateurs de hockey.

Très tôt, les enfants de ce royaume, tant les sportifs que les handicapés, étaient sans exception inscrits dans des équipes et les entraîneurs devaient faire en sorte que tous apprennent non seulement à patiner, à connaître les règles du jeu, mais également à développer les compétences des bons joueurs : entraînement physique, maniement de la rondelle, vitesse, saine alimentation, esprit d'équipe, collaboration, ...

Bien sûr, comme dans ce pays les gens vivaient heureux et avaient de nombreux enfants, il y fallait de nombreux entraîneurs. Tant et tant qu'il en vint à manquer.

Il faut dire que le royaume n'était pas bien riche et que tous les entraîneurs du pays, bons comme mauvais, bénéficiaient du même salaire et de la même protection d'emploi. Bons comme mauvais.

Or, il y avait dans ce royaume des entraîneurs qui ne voyaient le hockey que comme un hobby. Ils entraînaient donc, pas plus qu'il n'en fallait, se concentrant surtout sur leurs plans de matches, puis regagnaient leurs terres dès que la sirène de la dernière période mettait fin à la joute.

Pourquoi faire soi-même ce que d'autres peuvent faire pour nous et mieux que nous, se disaient-ils.


D'autres, par contre, multipliaient les entraînements, vérifiaient les sorties des joueurs, amélioraient l'équipement, développaient de nouvelles techniques de jeu. Et comme le royaume n'était pas bien riche, il arrivait même que ces entraîneurs aident à réparer les filets, à repeindre les bandes, à accueillir les spectateurs, à imprimer sur leur imprimante personnelle les billets des parties.

Or, misère, les directeurs des équipes du royaume misèrent sur ces entraîneurs pour épargner et leur imposèrent toutes ces tâches supplémentaires. Les uns, brandissant leur contrat de travail, stipulaient qu'il s'agissait là de tâches connexes non obligatoires et qu'ils y vaqueraient une autre saison. Les autres, constatant que toutes ces tâches devaient être réalisées pour assurer un minimum de professionnalisme s'y plièrent encore et encore, de saison en saison.

Et ils se fatiguèrent.

C'est parfois difficile d'être entraîneur.

"Pourquoi doit-on faire tant de sprints ?", se plaignaient les joueurs.
"Peut-on plutôt aller dehors, il fait si beau ?"
"Les pratiques sont beaucoup trop tôt le matin, peut-on laisser tomber cette semaine ?"
"Pourquoi doit-on faire des entraînements, on connait le jeu, on pourrait simplement faire les parties obligatoires."

Il faut être fait fort pour résister à la gravité de la facilité.

Or, quand on a passé sa soirée à peindre les lignes de la patinoire, quand on a passé la fin de semaine à préparer les menus des joueurs, quand on a analysé toute la semaine les parties jouées, à prendre connaissance des entraînements vécus ailleurs, quand on a préparé des rencontres signifiantes et actuelles mettant l'emphase sur les lacunes particulières de l'équipe, il arrive qu'on ait aussi le goût de ne plus se battre, de profiter un peu du soleil, de laisser faire les pratiques à 6 heures du matin et de prendre un peu de temps pour soi.

C'est ce qui arriva dans ce royaume du hockey.

Les entraîneurs qui en faisaient trop, fatigués de devoir toujours se justifier auprès des joueurs et de leurs parents et ne pouvant plus accomplir si peu nombreux toute la liste de tâches connexes, cherchèrent un peu de solidarité dans les yeux de leurs collègues. Et lorsqu'ils virent que ces derniers, pénards, passaient leurs journée à la pêche plutôt qu'à préparer le repêchage, lorsqu'ils virent que les directeurs des clubs ignoraient ces boulets plutôt que d'assurer une répartition équitable des tâches ou des salaires, ils comprirent combien qu'ils étaient sots.

Les plus jeunes changèrent de métier.
Les plus vieux changèrent d'attitude.

Alors il n'y eut plus d'entraînement tôt le matin.
Même lorsque les joueurs les réclamaient.
Il n'y eut plus de contrôle du régime alimentaire.
Ce volet fut vite retiré du programme.
On a même vu des trous dans la glace des patinoires.
Et dans les mémoires.

Et il ne fallut pas longtemps pour que le hockey perde tout intérêt dans ce royaume où la population est vite devenue obèse, immobile, dépendante du pain et des jeux des autres pays qui finirent par l'annihiler.


La morale de cette histoire : La paresse est une maladie incurable et contagieuse transmissible par l'opportunisme et le surmenage. Son remède s'appelle le leadership, une espèce en voie de disparition.

4 commentaires

Une Peste! a dit...

Clap! Clap! Clap!
Quel texte!

..merci.
Ça débutre hyper bien ma journée; j'ai une pratique c'matin. ;-))

Le professeur masqué a dit...

Tu parles de la Suède? de la Norvège, de la Russie? Parce que, dans les Olympiques, au hockey, sont pas été forts ceux-là...

Blagu'cuicui a dit...

Magnifique encore une fois!

J'ai vu le parcours de notre chère instruction défiler sous mes yeux. Cela fait peur mais bon, on s'y fait avec le temps, comme on dit ou on s'y fera jamais ;-).

The Dude a dit...

Pourquoi doit-on faire des entraînements, on connait le jeu, on pourrait simplement faire les parties obligatoires !

Génial !

Merci pour cet excellent texte.