Là où Missmath dérive et Weby intègre.

Présenté par Blogger.

Division d'une racine carrée

Quoi ?
Ce n'est pas parce que je suis payée pour répéter que je vais radoter ici sur ce blogue !
Nenni.

C'est plutôt la réflexion de Marie qui m'interpelle.

Je ne sais pas comment extraire une racine carrée et je trouve ça déplorable. Nous devrions être capables de faire à la main tout ce que l'on fait à la calculatrice et cette dernière devrait servir uniquement à accélérer le processus et non le remplacer. Mes parents sont capables de faire des racines carrées à la main, car il n'avait pas droit à la calculatrice au secondaire. Je suis capable de faire des divisions avec le crochet, mais demandez à un élève de secondaire 5, il sera probablement incapable de le faire, car il utilise toujours sa calculatrice. Je trouve que la situation ne fait que s'aggraver de génération en génération pour ce qui est de se passer de technologies.
Marie a tout à fait raison : on devient de plus en plus dépendants de la technologie.

Est-ce grave ?

Je me souviens, alors que j'étais jeune et insolente, j'assistais à la Polytechnique à une conférence sur l'utilisation de l'ordinateur dans les cours de mathématique et à l'époque (ça doit bien faire 20 ans), la salle était divisée en deux clans, les pros et ceux qui partageaient l'opinion que Marie présente. Un de ceux-là s'était levé pour s'indigner :

— Si on ne sait pas faire les opérations que font nos ordinateurs, si on devient dépendants de nos ordinateurs, que se passerait-il, par exemple, une panne électrique survient ?

Je me souviens avoir répondu alors :

— On ira tous jouer dehors.

Ces derniers temps, je m'amuse à taquiner mes étudiants. Aucun ne sait extraire une racine carrée à la main. (Bon, réglons ça tout de suite : dans la vie courante, quand est-ce qu'on a vraiment besoin d'extraire une racine carrée ? Enfin, je pose la question.) Tous savent additionner. La soustraction et la multiplication rebutent, mais ils y arrivent. La division, avec le crochet comme dirait Marie, oubliez ça. Un ou deux étudiants par groupe de 25.

Est-ce grave ?

Car il faut bien remarquer qu'on divise souvent.
Certains pour régner, mais ça, c'est une autre histoire.

J'essaie de penser à la dernière fois que j'ai divisé avec le crochet sans intention pédagogique et je ne trouve pas. Pourquoi prendre 3 minutes pour faire un calcul qu'une calculatrice fait en 2 secondes ? Ah mais le temps de trouver une calculatrice et le problème est fini... De késsé ? Des calculatrices, il y en a partout ! C'est à peine si les fours à micro-ondes n'en proposent pas (ce qui, soit dit entre nous, serait fort pratique).

Mais qu'arriverait-il si toutes nos calculatrices nous lâchaient en même temps ?

— Hum... 2578 $ divisés par 3... arrrrgggg ma calculatrice vient de me lâcher, as-tu la tienne ? Non. Hum... qu'est-ce qu'on va faire ?!!!

— Ben check, 2400 $ divisés par 3, ça fait 800 $, il nous reste 178 $ à diviser en 3, facque mettons 50 $ chaque, ça fait 150 $, il reste 28 $ à diviser, facque 9 $ et quelques. Tiens, on va dire 960 $, on ne s'obstinera pas pour quelques sous.

Tiens, tiens, tiens...

Ce qui est déplorable, chère Marie, ce n'est pas le fait que l'on doive prendre une calculatrice pour diviser ou extraire une racine carrée, cela s'appelle le progrès. Qui sait laver son linge à la main ? Qui sait faire des meubles ? Qui sait allumer un feu sans allumette ? Ce qui est déplorable, c'est de croire qu'en sachant effectuer les algorithmes de calcul cela nous permet de mieux comprendre les opérations en tant que telles. C'est faux. Les algorithmes sont aussi intrigants que l'intérieur d'un micro-ondes. S'ils en fascinent certains, la majorité n'a besoin d'en connaître que le produit fini.

Non Marie, ce qui est déplorable, c'est que l'on n’insiste pas sur le calcul mental simple ni sur la décomposition d'une opération pour calculer un résultat arithmétique d'usage courant sous prétexte qu'il existe des ressources (calculatrices) toujours disponibles. Ça, c'est déplorable. Quand je vois des étudiants prendre une calculatrice pour calculer 10*34 оou 6/3 ou 98+2, je trouve ça déplorable. Quand je vois que la décomposition d'opérations contenant des nombres est vite abandonnée pour laisser place à l'algèbre, souvent tout aussi rebutante qu'inutile de façon quotidienne, je trouve ça déplorable.

Parce que lorsque Champion sera enfin libéré de son obligation d'aller à l'école, des complétions de carrés et des divisions de polynômes, Marie, il n'en fera plus jamais de sa vie. Mais, quand il reviendra de son roadtrip dans sa minoune fatiguée et qu'il verra qu'il est à 135 km de chez lui, ça lui fera sans doute plaisir, dans ce moment où il ne serait pas très intelligent de prendre une calculatrice, de regarder le compteur et se dire :

120 km/h, une heure pour 120 km, 60 minutes pour 120 km, 1 minute pour 2 km.
Donc, si on divise la distance en 2, on obtient le nombre de minutes de route.
135 = 120 + 15.
120 km c'est une heure de route
15 / 2, c'est entre 7 et 8 minutes.
Je devrais être arrivé dans 1 h 10.
Si je ne pogne pas un autre ticket !
Tiens, si je roulais à la limite permise, ça ferait quoi ?
Une heure pour 100 km.
60 min pour 100 km, donc 60/100, c'est comme 6/10 qui est comme 3/5.
Ok, facque 3/5, on divise par 5 et on multiplie par 3.
135 = 100 + 35.
100 km, c'est une heure.
35 / 5 = 7
et 7 * 3 = 21.
Donc j'arriverais dans 1 h 21.

Hum... Alors rouler à 120 km/h à la place de 100 km/h me fait gagner à peu près 15 minutes.
Ça vaut-tu la peine ?

Mais non, puisque Champion n'a pas appris à faire de l'arithmétique, il met sa musique à fond la caisse, éteint son cerveau et appuie à fond sur le champignon.

5 commentaires

unautreprof a dit...

Très pertinent ton billet.
L'accès à tant de technologique risque de nous rendre peut-être plus portés sur la facilité.

C'est drôle parce qu'au primaire on interdit la calculatrice. Justement, on voit toutes les opérations, même celle avec le crochet. On insiste sur l'importance de connaitre ses tables pour être plus efficace. J'avais l'habitude de leur dire : tu n'auras pas toujours une calculatrice dans tes poches.
Hum, de plus en plus faux...

Le professeur masqué a dit...

J'enseignais à des groupes de douance, mais j'avais tellement de plaisir à additionner et multiplier plus rapidement qu'eux...

Missmath a dit...

Il faut que j'adopte un nouvel ami qui fait son primaire !

Les jeunes que je côtoie sont de la génération calculatrice depuis la première année du primaire. Oh bien sûr, ils ont connu l'apprentissage des tables de multiplication. Pour la forme. Ils étaient évalués sur des projets pour lesquels ils avaient droit à leur calculatrice, donc vite oublié.

Tant mieux si on revient à un peu de calcul mental, car il en faut tout de même un minimum (et je suis vraiment, mais alors là, vraiment nulle en calcul mental).

Mais mieux que le par-cœur, la décomposition des nombres et la distributivité que souvent elle amène devraient être soulignées. Mais ces méthodes, adoptées aux É-U, ne font pas l'unanimité... comme c'est souvent le cas quand les parents qui savent tout mieux que les enseignants s'en mêlent !

Le professeur masqué a dit...

Dans la même veine, en géographie, lire une carte est devenu dépassé. Pourtant...

Missmath a dit...

Très juste, PM. Il suffit de se rappeler l'aventure de l'étudiante de médecine perdue de l'hiver dernier pour savoir qu'une carte, c'est bien pratique.