Là où Missmath dérive et Weby intègre.

Présenté par Blogger.

Tableau blanc interactif

Eh oui...

Ceux et celles qui me connaissent savent très bien ce que j'en pense.
Or voilà que je constate qu'on commence à en installer dans plusieurs classes de mon école.
(*Soupir*)

J'avais la session dernière provoqué en duel la gang du département de physique qui tient tant à avoir des tableaux blancs interactifs.

TBI vs Tablette PC.

La gagnante se faisait payer à boire par les perdants. Ha ! Mon foie remercie encore le ciel que nos occupations nous aient empêchés de tenir ce débat.

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Premières journées de vacances, mon ami Jean-François, notre conseillère pédagogique stimulante, Weby et moi refaisons le monde quand tout à coup je leur raconte mes doutes concernant l'emplacement choisi des TBI dans certaines classes de nos quartiers généraux en mathématique.

En bons pêteux de broue, Jean-François et moi convergeons rapidement vers les avantages de la tablette PC sur les TBI quand notre petite secondaireuse contestataire ose avouer devant nous qu'elle aime bien les TBI.

Mais qui donc a donné le droit de paroles aux jeunes avant qu'ils n'aient 18 ans ?

- Mais sérieusement, Weby, tu connais la tablette PC, tu connais le TBI, entre les deux, avoue que la tablette PC a plus d'avantages.

- Non, je préfère le TBI.

Une telle affirmation m'a convaincue de réviser l'article 43 du code criminel.

Et la p'tite vlimeuse d'ajouter un argument matraque...

- Je n'oserais jamais écrire sur la tablette PC du prof, tandis que le TBI est dans la classe, donc il appartient à la classe.

Non mais qui c'est le smatte du MELS qui a mis dans le programme de formation du secondaire la compétence transversale "exercer son jugement critique" ?

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Et comme si tout cela ne suffisait pas, voilà que Emily Starr défend sur son blogue Interactive Whiteboard Insights quatre faits reprochés aux TBI. J'en retiens trois.


1- Ils représentent un gaspillage d'argent

En effet, ils impliquent l'installation d'un projecteur, d'un système de son, d'un ordinateur et du tableau interactif. Le tout doit évidemment être fait de façon sécuritaire et il faut évidemment voir à l'entretien de l'équipement. Combien coûte la lampe d'un projecteur ? Quelle est la durée de vie d'un TBI ?

Émily répond à ceci que les écoles gaspillent davantage en achetant d'autres équipements ou logiciels qui pourraient être économisées en utilisant des technologies équivalentes.

En effet, comment se fait-il qu'on n'encourage pas Open Office, Google Apps, Moodle ?

Cependant, je m'empresse d'ajouter que ce n'est pas parce qu'on gaspille ailleurs que cela rend cette dépense admissible, d'autant plus que je ne suis vraiment pas convaincue qu'il y aura un budget pour permettre aux profs de s'approprier cette nouvelle technologie pour qu'elle en vaille la peine, c'est-à-dire pour qu'elle soit utilisée autrement que comme un tableau noir ou un simple projecteur de présentation.

2- D'autres technologies ont les mêmes fonctionnalités que les TBI.

On pense évidemment ici à la tablette PC qui offre la possibilité d'un ordinateur personnel et l'avantage du stylet.




Si l'on oublie les tablettes graphiques, Emily ici donne trois avantages au TBI sur la tablette PC :

a) La tablette PC coûtant plus chère qu'un ordinateur, la différence de coût n'est pas significative.

Cet argument est à mon avis bien discutable.

b) Les étudiants comprennent mieux lorsqu'ils agissent directement sur les objets qu'à distance.

I began teaching with interactive content in my classroom with a projector and a wireless mouse. I would pass the mouse from student to student to answer questions and solve problems projected on my board. When I shifted to an IWB and students began to come up and physically interact with the content up close, there was a difference in how the students engaged with the task at hand. Remotely manipulating items from their seats with the mouse creates a gap between the students and the content. When the students came to the board and were able to physically touch the content, the hardware barrier between the student and the content was blurred, and the students seemed to be controlling the content directly versus controlling the content via the mouse. Because this difference is not easily measured it is difficult to argue, or even to describe, but it is an important distinction that is not without merit.

c) Il existe une panoplie d'applications et de matériels didactiques conçus spécifiquement pour le TBI.

C'est vrai, mais ceux que j'ai vus promeuvent les présentations...

3. Les TBI promeuvent les présentations

Emily me répond :

Le problème ici n'est pas le TBI, mais le prof qui reste dans le paradigme de l'enseignement.


According to research, introducing technology into the classroom requires teachers to rethink their curriculum. (The research is summarized in this blog post: Justification For Teaching With Interactive Content) Teachers go through phases in their use of interactive whiteboards. Initially, they may use them as glorified projection screens with power points for whole class lectures. (And I concede that some teachers get stuck here.) But other teachers go on to use them for group projects, center work, team problem solving, student project sharing and a host of other student-centered instructional strategies. Teacher collaboration fostered by the introduction of technology also has the potential to introduce teachers to new instructional strategies they may not have discovered independently.
De plus, certains logiciels pourraient permettre à 4 utilisateurs de travailler en même temps sur un TBI... Enfin, c'est peut-être vrai au primaire, mais, étant donné leur taille, j'imagine mal quatre colosses de l'équipe de football travailler en même temps sur un petit TBI...

Non, je le dis, idéalement, dans une classe, il devrait y avoir au moins 4 TBI, un par équipe.
Ou alors... que chaque étudiant ait une tablette PC, car alors les écrans peuvent être plus grands et avec certains logiciels, on peut permettre à 20 footballeurs de travailler en même temps sur le même tableau !





Vous avez vu ? Ni TBI, ni tablette PC.

Dans le fond, le problème, ce n'est pas l'équipement, c'est peut-être simplement l'approche...

Magie Magie !

'

Voici l'été, le temps des longues vacances.

"Ze m'ennuie !"


Avant que vos jeunes enfants ne découvrent les joies des jeux vidéo et des mangas sur internet, pourquoi ne pas faire alors un peu d'arithmétique subtile sous forme d'un tour de magie à l'ancienne ?

L'affaire est simple, il vous faut :

- 5 cartes ou fiches cartonnées
- Deux feutres de couleurs différentes (nous supposerons ici un noir et un rouge)
- Un minimum d'habileté de calcul mental
- Du matériel pour noter (papier-crayon, iPod, ...)
- Un bandeau ou un placard ou des téléphones cellulaires !
- Selon l'âge et le nombre de participants, une personne pour vous assister.

Numérotez d'abord d'une couleur les cartes de 1 à 5.
On prendra ici le noir.



Numérotez ensuite le verso des cartes d'un feutre d'une autre couleur. Mais attention, le truc se cache ici : l'ordre est important. Au 1, on associe le 6. Au 2, le 7. Au 3, le 8. Au 4, le 9. Et finalement, au 5, le 10.



Nous voilà prêts à commencer.

Selon l'âge du ou des participants, on verra comme dans tout bon tour de magie à avoir une mise en scène digne de ce nom.

Le tour consiste à deviner la somme des cartes.

(C'est pas très sorcier, mais avec une belle mise en scène, ça le devient !)

On fait en sorte que la personne qui fait le tour ne puisse pas voir les cartes. (Bandeau sur les yeux, on l'enferme dans un placard, on l'envoie à l'extérieur...) On lui laisse de quoi noter.

Les participants lancent les cartes dans les airs.
(Avouez que ça devient amusant.)

- Combien y a-t-il de cartes rouges ?

Voilà la seule chose que le devin doit savoir.

Et pendant que les enfants additionnent les cartes, le devin qui ne voit rien et n'entend rien note la somme, la réponse.

Que sera-t-elle ?

Cinq fois le nombre de cartes rouges + 15.

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Amusant, mais comment ça marche ?

En fait, c'est simple. On a placé le 6 sur le 1. Or, 6 - 1 = 5. Le 7 sur le 2. Différence, 5. Le 8 sur le 3. 8 - 3 = 5. 9 - 4 = 5. 10 - 5 = 5.

Donc chaque carte rouge est en fait 5 + la valeur de son côté noir. La somme devient donc notre série originale de valeur 15 + tous les 5 naissant de chacune des cartes rouges.

D'où notre formule.

D'accord, un exemple :



Deux cartes rouges, donc 2*5 + 15 = 25.

On a :
1 + 7 + 3 + 4 + 10
= 1 + (5+2) + 3 + 4 + (5 + 5)
= 1 + 5+2 + 3 + 4 + 5 + 5
= 5 + 5 + 1 + 2 + 3 + 4 + 5 (commutativité de l'addition)
= (5 + 5) + (1 + 2 + 3 + 4 + 5) (associativité de l'addition)
= 5(1 + 1) + 15 (mise en évidence ou distributivité... bon d'accord, j'exagère)
= 5*2 + 15

Mais quel beau prétexte pour s'initier aux démonstrations et aux propriétés de l'addition.

Ah oui, j'oubliais, on est en vacances.
D'accord, c'est pas des maths, c'est de la magie !!!

Coeur de pirate

- Je vais t'attendre dans la voiture.

- D'accord, c'est comme tu veux, ça ne devrait pas être long.



Sauf que... à l'ère d'Internet, sans livre, sans musique, avec mon iPod perdu, plus de 2 minutes, c'est long.

Il ne se passe rien dans le stationnement, même pas de plaques d'immatriculation intéressantes, pas de passants. C'est long.

Inspection du tableau de bord de la voiture, il faut vraiment s'ennuyer.

Puis mes yeux se dirigent vers cet espace vide sous la ventilation : l'Existoire et un iPod.

N'ayant pas les clés pour fuir avec Desjardins, après un court dialogue avec ma conscience, je prends le iPod. J'y trouverai certainement un petit jeu pour patienter.

Or voilà, le iPod est protégé par un mot de passe.

Échec ? Certainement pas, voilà un jeu qui s'avère des plus amusants : trouver le mot de passe !

Y avez-vous déjà joué ?

On ne trouve pas des appareils tous les jours ?

Pfffffffff... vous n'avez jamais tenté de percer le mystère des boîtes vocales de vos collègues ?

Oups... Je l'avoue, on se lasse vite de ce jeu trop facile.
La dernière fois que j'y ai joué, plus de la moitié des gens de mon échantillon avaient 1234 comme nip. Ennuyant.

Bon, revenons à ce iPod.

Premier examen de l'écran à la recherche d'empreintes laissant deviner des emplacements très fréquentés. Aucun indice. Les vrais utilisateurs de iPod laissent des traces de doigts partout.

Il me faut donc percer le mystère à 4 chiffres. Comme il existe 10 chiffres, j'ai 10 possibilités pour chacun des emplacements donc 10 x 10 x 10 x 10 = 10 000 combinaisons possibles.

On peut calculer au moins 3 secondes par combinaison, donc, en cas de malchance, au moins 8 h 20 de quête. Trop long.

C'est ici que la psychologie pourrait nous être utile.

Est-il vrai que la majorité des gens choisissent 4 chiffres différents ?

Dans ce cas, j'ai 10 choix pour le premier, 9 pour le second, 8 pour le troisième et 7 pour le dernier, donc 5 040 possibilités. On passe à 4 h 12 de recherche.

Est-il vrai que plusieurs personnes inscrivent leur année de naissance ?

Dans ce cas, la tranche d'âge de l'utilisateur peut donner un bon indice. C'est un iPod trouvé ? L'image du fond d'écran peut facilement indiquer dans quel siècle est né son propriétaire.

Dans ce cas, au pire, on a deux choix pour les deux premiers chiffres soit 19 ou 20. Il reste en exagérant 100 choix pour les deux derniers. (Il serait fort étonnant que l'année de naissance du propriétaire de cet iPod soit inférieure à 1915 ! Supérieure à 2010 ? Bof, quelqu'un pourrait y mettre la date de naissance de son bébé. Vous n'avez pas idée du nombre de mot de passe qui sont la suite des premières lettres des personnes d'une famille.) 100 choix, c'est 5 minutes de recherche. Mais ça se retient bien. (Enfin, moi j'essaie de l'oublier, mais bon, c'est une autre histoire...)

Il y a aussi les cas paresseux (ou efficaces). Ces personnes choisiront de répéter le même chiffre, économie du geste, pas besoin de repérer le prochain chiffre, économie de mémoire cérébrale (un seule chiffre à retenir et l'instruction "répéter"), donc économie de temps. Essayez dans l'ordre : 1111 (le plus simple), 5555 (le centre du pavé numérique), 7777 (pour la chance), 0000 (pour la position) et 6666 (pour la bête !!!). Donc on voit facilement 10 possibilités, donc 30 secondes pour les faire toutes. Comme le dit le diction populaire : quand ça coûte pas cher, ça vaut pas cher.

Voyant cela, le paresseux efficace, mais conscient, voudra peut-être prendre deux chiffres et en répéter un 3 fois. On aura 4 positions pour le chiffre distinct, 10 choix pour ce chiffre et 9 choix pour le chiffre répété. Donc 4 * 10 * 9 = 360 possibilités, 18 minutes de travail.

Et si on prenait deux chiffres et qu'on les répétait chacun ? Dans ce cas, je dois choisir deux positions parmi les 4 pour un de ces deux chiffres. Une combinaison de 2 parmi 4. Ce qui donne 6 possibilités.

Six, c'est pas long, l'énumération saura vous convaincre : AABB, ABAB, ABBA, BAAB, BABA, BBAA.

En fait, il faut voir cela comme ça. Appelons A le premier chiffre et B le deuxième. Là où il n'y a pas de A, il y aura un B. Imaginons un A rouge et un A bleu. J'ai 4 choix pour placer le rouge, puis 3 pour placer le bleu. Donc 12 possibilités. Mais dans les faits, il n'y a pas de couleurs sur ces A, alors je ne peux pas discerner un A bleu d'un A rouge. Donc chaque permutation des A (ici il y en a deux (car deux couleurs)) considérée n'existe pas. D'où 12/2 = 6 permutations discernables.

On reprend, on a 6 positions pour les chiffres, 10 possibilités de chiffre pour le A, 9 pour le B, on a donc 540 possibilités. 27 minutes. C'est mieux, mais pas tant que ça.

Finalement, essayons avec 3 chiffres distincts et une répétition.

Réservons la position du chiffre répété : 4 possibilités. On place le premier chiffre (10 possibilités), on place le second (9 possibilités), on place le troisième (8 possibilités), on choisit en position répétée un de ces 3 chiffres. 8640 possibilités. 7 h 12 minutes. Bien plus sécuritaire que les combinaisons à 4 chiffres distincts (5040 possibilités).

Tout ça pour dire que si vous voulez choisir un mot de passe à 4 chiffres sécuritaire, il faut choisir la répétition d'un seul chiffre... (tout en évitant votre année de naissance si celle-ci contient la répétition de deux chiffres).

Je suppose que vous voulez savoir si j'ai réussi à percer le mystère du iPod de la voiture ?

Pfffffffffff....

L'utopie scolaire

Définitions :

c.i. = Charge individuelle d'un enseignant de niveau collégial. La c.i. s'obtient par un calcul mathématique aussi éloquent de celui qui permet d'obtenir la cote R. Il fait intervenir le nombre de préparations, le nombre d'étudiants, le nombre d'heures de cours, les libérations pour divers comités ou projets, bref plein de variables quantitatives qui en bout de ligne donnent une valeur qui ne doit pas dépasser 88 dans une année. Idéalement on visera 44 par session, chose qui n'est généralement pas possible. Une c.i.inférieure à 80 sera rejetée par l'administration du Cégep, puisque le MELS ne finance pas la sur-embauche.

Plan cadre : Devis d'un cours. Le Ministère prescrit l'énoncé de compétence, le contexte de réalisation, les critères de performances, chaque cégep décide du contenu à couvrir pour atteindre ces critères.







Navrant de constater le silence qui règne sur ce blogue.

Essoufflement ?
Non.
Manque de temps.
La session a été dure.

Une grosse c.i. ?
Non.
En fait, la plus petite de ma carrière.
Comme j'ai eu une c.i. supérieure à 48 cet automne, j'ai hérité d'une c.i. de 37 cet hiver, dont une bonne partie en libération.

Une seule préparation.
Un seul groupe.
Seulement cinq heures de classe par semaine.
Un cours dont je suis l'auteure du plan cadre, dans un programme que j'aime, avec mes étudiants de l'automne que je connais très bien. Un cours que, sous son précédent label, j'ai donné plusieurs fois. Cours qui, au niveau des contenus, n'a pas vraiment changé sous sa nouvelle appellation.
Bref, tout le gage de bonheur pour avoir une session calme et tranquille.

Sauf que... quand une telle occasion passe, il faut la saisir par les cheveux.

Deux points me dérangent depuis longtemps :
- L'évaluation
- La didactique

Entre les deux, pourquoi choisir ?

L'évaluation

Adepte depuis quelques sessions déjà des grilles d'évaluation, une autre chose me dérangeait :

Sachant les étudiants ont 15 semaines pour développer telle compétence ou telle compétence, est-il correct de donner des points pour une vérification de contrôle du développement de cette compétence ?

Illustrons ceci avec un exemple.

J'enseigne la valeur moyenne d'un signal élémentaire en janvier. J'évalue la chose en février. Pierre n'a pas compris. Il échoue. On régule, puis on complexifie. L'évaluation finale de mai propose le calcul d'un signal (élémentaire ou non). Pierre réussit. Ne devrait-il pas être "remboursé" pour les points qu'il a perdu sur ce sujet en février ?

J'ai donc décidé d'expérimenter la stratégie évaluative suivante :

Les examens d'étape avaient un volet sommatif et un volet formatif. Le volet sommatif se voulait final. Par exemple, les séries de Fourier, apprises en début de session, ont été évaluées en février et on n'en a plus reparlé après. Le volet formatif, quant à lui, voulait permettre la régulation de chaque étudiant pour l'examen final. Il y a eu au cours de la session deux examens purement formatifs. De la même forme que tous les autres, ces examens comptaient pour 0 % de la note finale.

Inutile de préciser que sous cet angle, la pondération de l'examen finale devient non négligeable. En fait, le dernier jour de classe, aucun de mes étudiants ne passaient le cours. Cependant, aucun d'entre eux ne l'échouait non plus. Tout était possible.

Pourquoi décrocher quand on a encore des chances de passer ?

Je dois avouer que lorsque j'ai présenté le plan de cours, certains étudiants ont eu très peur devant l'importance de l'examen final. J'avais heureusement dans ma manche une carte d'atout : ils me connaissaient et ils savaient que je ne les laisserais pas tomber s'ils ne se laissaient pas tomber.

Cependant, en tant que maître de l'expédition, je n'avais du coup plus le droit à l'erreur. Mon seuil minimal de réussite du cours étant fixé en début de session, j'avais 15 semaines pour les y amener et les rendre suffisamment confiants de réussir.

Cette aventure est devenue bien stressante, par manque d'habitude. Voilà bien longtemps que je suis revenue du baccalauréat internationale où je devais préparer mes étudiants non seulement à développer les compétences du DEC, mais à réussir les examens de l'O.B.I. Un prof de Cégep, comme un professeur universitaire, peut être unique maître à bord : il rédige et corrige toutes ses évaluations et la note qu'il attribue à un étudiant atteste de sa réussite ou de son échec sans aucune autre formalité. Au Cégep, Alice est avec ses élèves au pays des merveilles.

Mais s'il n'en avait été que de cela...

La didactique

Car si le cours et son contenu sont essentiellement restés les mêmes (le cours s'est légèrement alourdi), les étudiants et leurs outils eux ont changé.

La dernière fois que j'avais donné l'ancienne version du cours, j'avais dû faire des ajustements, car les difficultés en algèbre des étudiants ralentissaient le rythme du cours.

Comme les étudiants qui nous arrivent ces dernières sessions ont de très grosses lacunes en algèbre, les choses n'étaient pas appelées à s'améliorer et en rédigeant le plan cadre, je me suis demandé s'il serait encore possible de donner le cours à l'ancienne.

C'est un collègue qui, malgré mes avertissements, a inauguré le cours en se basant sur mes anciens documents. Les résultats ont été catastrophiques. Il s'est cassé la gueule de façon magistrale.

Forte de cette erreur, considérant le changement important dans le contexte de réalisation du cours (à l'aide de logiciels, d'une bibliothèque mathématique, en utilisant comme support l'ardoise électronique avec ou sans accès à Internet), j'ai décidé de suivre l'idée de Conrad Wolfram et de changer la didactique du cours.

Les gens équilibrés opteront pour un tel revirement pour une étape d'un cours.
Hélas, je n'ai pas hérité du gène de l'équilibre.

De toute façon, ce cours ne s'y prêtait pas.

Du coup, aucun manuel de cours ne pouvait être utilisé. Aucun manuel de mathématique scolaire n'avait de sens, puisque tous mettent l'emphase sur les techniques mathématiques de calcul ou de simplification, chose que j'entendais désormais laisser à l'ordinateur.

Il me fallait donc monter toutes les notes de cours sans pouvoir utiliser du "vieux" matériel, puisque le vieux matériel avait été monté dans une approche traditionnelle.

Il me fallait également construire tous les exercices, leur solutionnaire. Et pour la régulation, bâtir d'autres exercices ? Pffffff... automatisons la chose.

Comme le cours est logé sur Moodle, comme le Cégep n'a pas de licence institutionnelle pour un logiciel de calcul symbolique (c'est terrible, mais les ressources sont limitées et les priorités sont ailleurs), j'ai utilisé Wiris qui s'imbrique dans Moodle et qui vient de développer un nouveau produit (Wiris Quiz) qui permet de programmer des exercices. Tout à fait génial. Vous programmez un exercice et vous venez de créer une banque quasi infinie de questions sur un sujet.

Or, le produit est nouveau et je dois avouer qu'au premier cours, je n'avais jamais vraiment programmé la bête. Heureusement que mon vieux qui aime ça les maths avait passé une partie de l'automne à créer des exercices qui m'ont permis apprendre la syntaxe. Heureusement qu'il a souvent eu la générosité de sortir de sa retraite pour m'aider à trouver l'astuce pour réaliser tel ou tel exercice. Heureusement aussi que l'équipe de Wiris, en particulier le sympathique Carles Aguilo était là, toujours prêt à répondre dans un français presqu'impeccable à mes cris de détresse dans les minutes et ce malgré les 6000 km qui nous séparent (je dois avouer que comme je suis un oiseau de nuit, le décalage horaire joue en ma faveur). Reste que j'ai rarement vu un tel service à la clientèle et je ne comprends pas que les autres cégeps qui sont passés à Moodle se privent toujours de leurs produits.

Voilà donc qu'une fois libérée du "joug" théorique du calcul différentiel et intégral, après quelques semaines de cours, je fais le saut dans le vide : finir le cours en utilisant le CAS, le calculateur Wiris.

Contrairement à la majorité de nos cours où l'on présente des situations déjà mathématisées à résoudre et où l'interprétation se résume souvent à rejeter quelques valeurs obtenues qui ne répondent pas au contexte, mes cours devenaient : Partir d'une situation, la mathématiser, résoudre à l'aide du CAS, interpréter, critiquer la vraisemblance en utilisant une autre approche de résolution.

Mes étudiants n'ont aucune idée de la règle du produit ou du quotient d'une dérivée, ils savent à peine effectuer des substitutions algébriques pour intégrer. "Scandale", diront mes collègues. Vraiment ? Que restent-ils de ces règles après le cours chez la majorité de nos étudiants ? Rien. Alors pourquoi tant y tenir ?

Le virage ne s'est pas fait sans cri ou grincement de dents de la part des étudiants. On est loin des vieilles pantoufles de cours de mathématique et, puisque l'ordinateur fait la majorité de notre travail habituel, les étudiants perdaient tout à coup leurs repères.

"J'ai l'impression de ne pas comprendre ce que je fais quand j'utilise Wiris."

"Madame, ne craigniez-vous donc pas que nous devenions dépendants de Wiris ?"

Houhouhouhou... À l'heure où l'on prétend que l'on enseigne les mathématiques comme au siècle dernier et que les étudiants sont de leur temps, entendre de telles remarques fait forcément sourire.

Bien sûr, avant de me lancer dans une telle aventure, j'avais réfléchi à cette dépendance au logiciel.

Ces étudiants sont en technique. Ils n'auront probablement jamais à calculer une dérivée ou une intégrale de leur vie (même les ingénieurs ne font presque jamais ces calculs si ce n'est que par approximation numérique, la vraie vie a tendance à ne pas dévoiler les équations de ses fonctions...). Et puis, s'il advenait qu'ils aient à le faire, ils auront à leur disposition des outils beaucoup plus puissants que Wiris pour les aider. Et s'il advenait qu'ils n'aient pas d'outils, ils peuvent en trouver pour pas cher...

Par contre, le fait qu'ils aient l'impression de moins comprendre en utilisant l'ordinateur m'embêtait beaucoup. Si les étudiants ne croyaient pas à cette nouvelle façon de faire des mathématiques, je risquais de les démotiver et ainsi réduire les chances de réussite en fin d'année. Cela était d'autant plus important qu'à ce moment-là, même s'il restait plusieurs semaines à la session, il était trop tard pour revenir en arrière sans devoir couper de façon significative dans le contenu.

Alors, je leur ai proposé un exercice. (Parfois, perdre une demie-heure de classe permet de sauver des heures.)

Pas le droit à l'ordinateur (sourire de soulagement dans la classe, enfin, on retourne à l'ancienne).
Pas le droit au iPod ni au cellulaire (indifférence, c'est comme ça dans tous leurs autres cours).
Pas le droit à la calculatrice, ni à la calculette (hum... méfiance, on la trouve moins drôle, mais c'est un jeu, alors on s'y prête).
L'exercice consiste à répondre en moins de 10 minutes à la question suivante :
Une classe décide de commander de la pizza. On en a deux pour 27.95 $ et deux autres pour 29.95 $. À ce montant, il faut ajouter la TPS et la TVQ. Comme il y a 15 personnes dans la classe, combien devra débourser chaque personne de la classe si on arrondit le montant au 25 ¢ près.

Fafa bébé, n'est-ce pas ?
Les étudiants ont trouvé l'idée divertissante (d'autant plus qu'on s'était promis un vendredi révision pizza). L'addition s'est très bien déroulée. Le calcul des taxes, hum... il y a des calculatrices qui ont surgi sous les tables. Quant à la division, un seul étudiant se souvenait de l'algorithme. Personne n'a réussi à faire le problème dans les 10 minutes.

- Avec une calculatrice, je l'aurais eu facilement en moins d'une minute, me dit précisément la personne qui disait comprendre moins quand elle faisait des maths avec Wiris.

- As-tu l'impression de mieux comprendre ce que tu fais quand tu calcules les taxes à la main ?

- Non !

C.Q.F.D.

Inutile de vous dire qu'après cet exercice, Wiris est devenu notre allier.
Pour le meilleur... et pour le pire...

Car ne passant plus une heure à effectuer des techniques de simplification, il me fallait une plus grande variété d'exercices.

Et c'est alors que Wiris a montré quelques signes de faiblesse... lors de l'improvisation en classe d'un classique de l'optimisation.



Oups...

Du coup, la confiance dans le logiciel a été ébranlée. Peut-être la prochaine fois faudra-il songer à un calculateur plus puissant. Mais qui dit calculateur plus puissant dit souvent syntaxe plus complexe (et programmation en anglais (bof))... et dit licence dont on n'a pas les moyens...

Résultat de tout cela ?

  • Un changement marqué dans l'engagement des étudiants.
  • Une plus grande motivation de la part des étudiants.
  • Lors des activités, problème de présence en classe !!! Non, pas d'absence, de présence. Les deuxièmes années venaient se joindre aux premières pour participer. Ou certains étudiants invitaient leurs amis.
  • Un taux de réussite significativement plus élevé pour des évaluations plus complexes.
  • Une médiane pour l'évaluation finale de 80 %, du jamais vu dans ce cours.

Parallèlement à cela, pour moi, des nuits et des fins de semaine à travailler pour ce cours, souvent jusqu'à épuisement en planifiant comment terminer pendant le cours ce que je n'arrivais pas à finir avant. La session aurait eu deux semaines de plus et je ne crois pas que j'aurais physiquement pu la terminer. Et pourtant, ça fait des années que je joue avec les TICE, plus de 10 ans que je monte tous mes cours sur Moodle. De plus, je n'avais que ce cours, une c.i. exceptionnellement petite comprenant une libération qui me permettait une belle marge de manoeuvre dans les échéances. (Eh oui, il y a des choses qui ont été reportées à cet été !)

Alors quand je vois ceci :



Je rigole.

Pour y arriver au Cégep, il faudrait en avoir les moyens.
Une grande partie des enseignants sont attachés à leurs cours comme des conservateurs de musée à leurs oeuvres.
Les profs équilibrés qui remettent les pratiques en question, pour conserver un minimum de qualité de vie, resteront naturellement à l'écart des technologies chronophages. Les autres, les rares hurluberlus de mon espèce, du moins ceux que je connais, en cette fin de session, sont dans le même état catatonique que moi. Brûlés.

Le pire dans tout cela : c'est qu'une fois qu'on a osé sauter, on ne peut plus retourner d'où l'on vient... mais on n'a pas les moyens d'y rester non plus.

Alors je cherche un mécène qui pourrait me permettre d'avoir le temps de monter des cours dignes du XXIe siècle. Ah Grigori, donne-moi ton prix !

Construire sa conscience citoyenne

Weby me demande de l'amener chez sa grand-mère.
En bonne grand-mère, celle-ci nous reçoit avec tarte, café, thé, sucre à la crème.
Fidèle à son habitude, Weby dévore son morceau de tarte et y laisse la croûte.

- Weby, dit la grand-mère, viens manger tes croûtes.

- Je n'ai plus faim, dit Weby.

- Viens, pense aux pauvres qui n'ont pas la chance de manger de dessert.

Cet argument m'a fait sourire. Il m'a fait penser à ma mère et à ma grand-mère. Depuis combien de générations, pensai-je, sert-on cet argument ? Peut-être pas si longtemps que ça. Quand ils étaient petits, mes parents n'avaient pas de dessert tous les jours.

Or voilà que Weby me sort de ma rêverie.

- Justement, Grand-mère, je pense aux pauvres.

- Ah bon ?

- Si je mange mes croûtes, même si je n'ai plus faim, que se passe-t-il ? Rien, si ce n'est le fait que je risque de développer des problèmes d'obésité qui coûtera cher à la société et par conséquent rendra les pauvres plus pauvres. Mes restes n'iront certainement pas dans les pays où les gens meurent de faim, mais aux poubelles. Or que font les gens d'ici qui ont faim ? Ils fouillent dans les poubelles. Ainsi, en ne mangeant pas mes croûtes, non seulement je fais faire des économies à la société qui n'aura pas à payer pour mes problèmes de surpoids, mais en plus, il est probable que je nourrisse un pauvre de ton quartier qui n'a pas la chance d'avoir de nourriture.


Vu sous cet angle, j'ai presque eu honte de m'être forcée à manger mes croûtes !

Parfois, je me dis que cette réforme fonctionne trop bien...

Salut !

Mon pays c’est grand à se taire
C’est froid, c’est seul
C’est long à finir, à mourir.

Entendez-vous les vents, les pluies, les neiges et les forêts ?

Mon pays quand il te parle
Tu n’entends rien tellement c’est loin… loin… loin… loin…

Entendez-vous les vents, les pluies, les neiges et les forêts ?


Mon pays, Claude Léveillée