Là où Missmath dérive et Weby intègre.

Présenté par Blogger.

Qui est Conrad Valeria ?

Selon vous, quelle proportion de vos connaissances viennent de l'école ?

Évidemment, c'est difficilement mesurable, mais peut-être, à la manière des bulletins scolaires, sauriez-vous qualifier en quantifiant ! Ha !

Si on se fie au document Did you know ? publié en 2007, plus de 2,7 milliards de requêtes étaient posées sur Google chaque mois. Difficile de mettre cette statistique à jour, Google ne publie pas ces données.

Mais vous, combien de requêtes de recherche effectuez-vous en moyenne par mois sur Internet ?

Google est devenu chez moi un réflexe. Dès qu'une question surgit dans ma petite tête de linotte, je la googlise. Google me permet d'atteindre à haute vitesse le deuxième échelon de la taxonomie de Bloom. Je ne comprends pas grand chose aux choses, mais, lorsque branchée, il m'est possible de presque tout connaître. Presque. Et quand Google ne m'offre pas de réponse satisfaisante, je rage.

Où est passée ma béatitude d'A.G. ?
Partie avec ma jeunesse !!!

La question que je me pose depuis des mois est simple :
Qui était Conrad Valeria ?
¡ No sé !

Qui étaient les frères Moncion ?
Qui étaient Alexandre Taché ?
Qu'a fait de si extraordinaire Nicolas Gatineau pour que la quatrième plus grande ville du Québec porte son nom ?

En 1839, Lord Durham écrivait dans son rapport :

On ne peut guère concevoir nationalité plus dépourvue de tout ce qui peut vivifier et élever un peuple que les descendants des Français dans le Bas-Canada, du fait qu'ils ont gardé leur langue et leurs coutumes particulières. C'est un peuple sans histoire et sans littérature. La littérature anglaise est d'une langue qui n'est pas la leur ; la seule littérature qui leur est familière est celle d'une nation dont ils ont été séparés par quatre-vingts ans de domination étrangère, davantage par les transformations que la Révolution et ses suites ont opérées dans tout l'état politique, moral et social de la France. (1)



"Petit peuple", disait Pierre-Eliott Trudeau en 1964.

Soit ! Mais qui est Conrad Valeria ?

Peut-être comme moi, connaissez-vous Toussaint Brodeur, Léo Déziel, Méo, Lurette, Babine ? Petit peuple peut-être, mais immenses personnages.



Le 1er janvier 2002, sous la pression de la loi 170, les villes de Aylmer, Buckingham, Gatineau, Hull et Masson-Angers ont été fusionnées pour former la grande ville de Gatineau. Évidemment, comme chaque ville du Québec a sa rue des Érables et sa rue St-Joseph, on a dû procéder aux changements de noms de plusieurs rues pour éviter les doublons. Vous devinez bien que l'affaire sera amusante.

Un comité de toponymie a donc été formé. On a choisi de déranger le moins possible, donc on a laissé à la principale rue St-Joseph son nom et on a effacé le nom des autres rues St-Joseph. Par la suite, on a tenté de trouver des noms de rue cohérents avec les autres noms du quartier (si cohérence il y avait...) ou on a simplement proposé des noms. Évidemment, les citoyens les plus avertis s'en sont mêlé et ont aussi proposé des noms. Mais, comme le disait Fred, pour devenir une légende, il faut être post-hum. Les défunts célèbres ayant déjà leur rue, les gens n'ayant pas forcément envie d'habiter la rue portant le nom du chef cuisinier du troisième navire de Jacques Cartier, des pétitions ont circulé pour que certaines rues portent plutôt le nom de voisins disparus depuis peu.

"Connaissez-vous ça vous La Loubère ? C'est ridicule comme nom de rue. Je fais signer une pétition pour que la rue porte le nom de Madame Babeux. Vous savez, la dame qui habitait au fond de la rue. Oui, oui, celle qui offrait de la rhubarbe à tout le monde. Elle est morte l'an dernier et elle a été la première a habité sur cette rue. Tous les autres voisins ont signé. Vous êtes nouveaux dans le quartier, non ? En tout cas, c'est bien gentil de signer ça."

Il n'en fallait pas plus pour que naisse la rue Puricima-Babeux. Et quand les gens de la rue déménageront, disparaitront, dans 100 ans (si la planète tient le coup), les Fred Pellerin ne courant pas les rues, personne ne saura qui était Puricima Babeux, même pas Google.

Dans la ville où j'ai grandi, la société d'histoire avait installé de grands panneaux un peu partout pour raconter des lieux populaires de la ville. Sur les plaques des principales rues de la ville où j'ai étudié, on a ajouté une brève description du personnage honoré. Le quartier Notre-Dame-de-Grâce publie sur Internet l'origine du nom de ses rues.

Qui était Conrad Valeria ?
Qui étaient les frères Moncion ?
Peut-être des gens qui pourraient encore aujourd'hui nous inspirer.

Imaginez la fête des voisins sur la rue Puricima-Babeux quand tous les jours en tournant le coin, les habitants de la rue lisent : "Première résidente de la rue, Madame Babeux donnait chaque été à ses voisins un petit pot de confiture à la rhubarbe."

C'est petit. J'avoue. Mais, entre vous et moi, une bonne confiture peut faire moins de mal qu'un grand discours d'un illustre personnage comme Alexandre Taché. Aujourd'hui boulevard traversant le secteur Hull (et pavillon principal de l'UQO), il était de son vivant président de l'assemblée nationale sous Maurice Duplessis.

Oui, je fais de la politique depuis 1923, et je puis dire qu'il n'y a pas 5 % des femmes de cette province qui désirent voter aux élections provinciales. Maintenant, au point de vue de l'économie, mesdames et messieurs, pardon, M. le président, il ne serait pas logique de faire voter les femmes. Je prétends que si nous accordons aux femmes ce droit de vote, le coût des élections provinciales sera considérablement augmenté et ça ne changera rien dans les résultats, car la femme et la fille vont voter comme leur père.

Il faut garder aux femmes la place qu'elles occupent au foyer. Laissons-les demeurer à la maison, de manière à ce qu'elles s'acquittent du rôle sublime qui leur a été assigné par la nature et la religion. Il y a une tendance exagérée à remplacer l'homme par la femme dans trop de domaines. (2)


Remarquez que ça explique peut-être les confitures de Puricima...

Les connaissances ne s'acquièrent pas qu'à l'école, dans les livres ou sur Internet. On peut aussi apprendre sur la route et à tous les coins de rue. Encourager l'apprentissage de connaissances, ce n'est pas le bout du monde.






Sources :

(1) http://www.republiquelibre.org/cousture/DURH.HTM
(2) Discours d'Alexandre Taché à la séance du 5 novembre 1936 de l'Assemblée législative du Québec (cahier No 17, p.339)

6 commentaires

Blagu'cuicui a dit...

Voilà un message subliminale qui devra être transmis de génération en génération:

"Les choses les plus simples et importante s'apprennent mieux en discutant dans un village qu'en cherchant sur Internet"

Revenir à des valeurs fondamentales, il suffit sans doute d'y croire pour y arriver après tout :). Cette dame qui donnait de la confiture à ses voisin a été bien plus célèbre dans sa rue que l'a été bon nombre de grands de ce monde pour la rue en question. Mais les livres d'histoire ne retiennent que les grandes choses fussent-elles terribles ou non...

Missmath a dit...

Très juste, le problème, c'est qu'il est difficile de discuter avec mes voisins : ils n'ont pas internet !

abcmaths a dit...

Tout cela m'inquiète...

Missmath a dit...

Ne vous en faites pas, je vous en ferai de la confiture !

Une Peste! a dit...

Magnifique texte Miss Math!

Pertinent, jouissant, vachement bien amené.

Maaaarci. Tu fais mon aprem, toi!

abcmaths a dit...

Ouf !
Oui,mais quand ?