"Au Québec, on élève des enfants, en France, on les éduque."
[...]
[En Europe] Dès le départ, il y a une volonté des familles vers l'excellence, vers la cognition, vers le langage, par rapport à ici où l'on est plus porté vers la sécurisation affective, vers le temps partagé au départ.
Je dirais que pour un enfant différent, qui a un handicap, un retard, il est bien mieux au Québec. Pour un enfant qui aurait un talent particulier et qui veut aller rapidement, il serait mieux d'aller en Europe."
Je suis une Québécoise pure laine. Mon ancêtre maternel est arrivé avec Jacques Cartier et s'est installé avec une Micmac, mon ancêtre paternel a suivi Paul de Chomedey pour aider à la fondation de Montréal. Aucun de mes ancêtres n'étaient en Europe pendant la Révolution française et pourtant, je connais tous les couplets de la Marseillaise (que je peux vous chanter aussi bien que Mireille Mathieu quand le vin est très bon). Car, d'aussi loin que me portent mes souvenirs, depuis l'âge de 3 ans, mes amis les plus précieux et les plus proches, sont Européens. On a souvent tendance à croire, parce que nous croyons partager la même langue, que les Français et les Québécois sont cousins. Or, il faut vivre suffisamment proche de nos deux cultures pour réaliser à quel point nous nous distinguons et cela est particulièrement vrai dans nos rapports avec les enfants et, en conséquence, en éducation.
Loin de moi l'idée de comparer l'éducation de chaque côté de l'océan. Je dois avouer partager à ce sujet le point de vue du Docteur Chicoine. Cependant, je vis depuis quelques temps un très grand malaise auquel je n'arrive pas à trouver remède et, pire, qui me donne l'impression que nous sommes pris dans une impasse. (Je n'ose pas écrire "certitude", car j'espère que vos commentaires me convaincront qu'il pourrait y avoir une solution.)
Quand doit-on ne viser que l'excellence en éducation ?
Jamais !
Vraiment ?
Ce n'est pas l'excellence qu'il faut viser, mais la compétence.
Quand doit-on ne viser que la compétence en éducation ?
Toujours !
Foutaise !
L'unique préoccupation en éducation au Québec, c'est le rendement.
S'il en était autrement, on n'aurait pas de quotas de doubleurs dans les classes des écoles publiques, on n'exigerait pas un minimum d'élèves pour maintenir des programmes d'études, on n'évaluerait pas les programmes d'études sur la satisfaction des étudiants et les taux de réussite, mais sur le taux de satisfaction de ceux qui les accueillent (professeurs ou employeurs) basée sur la cohérence de l'évaluation des compétences ; on ne demanderait pas des bulletins chiffrés et des calculs de moyenne, mais des évaluations critériées détaillées.
Un jour, un professeur d'université m'a dit : "Tu sais, ce n'est pas si grave que ça si on laisse passer des étudiants qui trichent ou qui ne méritent pas de passer. Une fois sur le marché du travail, les gens se rendront compte de leur incompétence et ne feront pas affaire avec eux."
(Et ils inscriront le nom de ton université sur leur liste noire !)
(soupir)
Je dois l'avouer : mes enfants étant maintenant trop grands pour recevoir des fessées, il m'arrive de sérieusement penser à émigrer.
13 commentaires
Comme je suis en adaptation scolaire, je ne vise pas l'excellence mais le progrès et le dépassement, quoique pour les matières autres que lecture et écriture, je pousse et je pousse.
Toutefois, ma critique de l'éducation au Québec est le manque d'intérêt général envers la culture générale. Je ne généraliserai(abus d'un mot ici) certainement pas, mais je constate que mes élèves d'origine québécoise, trop souvent, sont moins informés quant à bien des choses.
Pourtant, comme ils aiment apprendre les enfants, ils sont tellement curieux! Je leur ai parlé du mur de Berlin et de sa chute, et ils m'ont posé tant de questions. C'est quoi le communisme? C'était quand la Deuxième Guerre? C'est où Cuba? C'est quoi la dictature? C'était qui Franco? Ça veut dire quoi la guerre civile? Ah oui, l'esclavage aux É-U, ça a existé? (je sais, je mégare mais bon, tu vois les liens). Seul mon bel élève Mexicain enrichit ce genre de conversation.
Je vais par contre ici spécifier que ma mère est Européenne (élevée au Québec) et mon père, un Québécois de souche fière descendant de Louis Hébert, et que c'est lui qui m'a le plus transmis des connaissances culturelles quant à l'Histoire.
Bon, je cesse d'envahir ton espace, tu touches un point bien sensible.
Ma chère amie, prends tout l'espace que tu veux, tu es ici chez toi.
Ton constat est très juste. Les jeunes des pays émergents se dirigent vers leur apogée, alors que nous sombrons dans le déclin. Heureusement, il y a des enseignants comme toi pour ralentir la descente.
Ouf! Et c'était ta version optimiste de la situation? ;-)
Oui, c'est vrai, nous avons des problèmes à régler... Mais, comme a dit unautreprof, ils sont curieux... Le potentiel est là, non? Il s'agit d'un seul évènement déclencheur et tout peut arriver! Un évènement déclencheur par classe, un par école et gros pour la province...
Je m'occupe de celui de ma classe, peut-être de celui de mon école... Tu t'occupes de celui de la province?
:-)
Mais je dois avouer que je ne suis pas toujours très optimiste quant à la situation...
Ma chère cousine, ton billet fait écho à celui de Sylvain.
Tu publies ton S.O.S. alors que je suis moi-même confronté au(x) doute(s) avec une classe en particulier (adultes en reconversion/insertion) : la mayonnaise ne prend pas, je ne parviens pas à les intéresser, bien que l'échec dans ma matière soit éliminatoire à l'examen, ils ne font aucun effort.
Ils sont venus apprendre de la technique pratico-pratique et je leur demande de réfléchir sur un futur improbable (Etude Prévisionnelle à l'Installation), ainsi le veut le programme...
C'est sans doute confortable de rejeter la responsabilité de cet échec sur eux... mais, d'un autre côté, sur la dizaine de classes dont j'ai la charge, dans la même matière de base (la maîtrise des outils bureautiques au service de leur vie professionnelle), cette classe est la seule qui m'échappe.
Qui donc doit endosser la responsabilité : eux, moi, le système ?
D'une part, l'enseignant ne saurait être complètement responsable des décisions, ou de l'absence de décision, des apprenants qui exercent leur libre-arbitre.
D'autre part, ainsi que je le souligne dans un commentaire au billet de Sylvain, il est important de revenir aux fondamentaux.
Si, dans l'immédiat, nous (mes apprenants et moi au sein du système) ne sommes pas réceptifs afin d'être en mesure d'aborder le programme dans toute sa richesse et sa profondeur, alors, revenons à l'essentiel.
Revenons à ce qui pourra leur servir lorsqu'ils seront dans la situation décrite par ton professeur d'université : donnons leur les bases nécessaires et suffisantes pour qu'ils puissent réagir et corriger le tir quand ils y seront disposés et réceptifs.
Un mot sur le système et son fonctionnement : par définition, ce dernier est homéostatique.
Son état résulte de la somme des individualités sublimée/régulée/lissée par leurs interactions respectives.
De mon point de vue, le système n'est pas responsable, en ce sens qu'il n'est pas maître de son état.
Jean-François, dans son commentaire, traduit bien cet état de fait : nous sommes individuellement responsable de notre sphère d'influence.
La somme de nos sphères d'influence respectives peut constituer un évènement suffisamment déstabilisateur pour induire un changement...
Si nous parvenons à faire comprendre à nos apprenants qu'ils disposent de ce pouvoir fondamental, alors, pourquoi ne pas espérer ?
J'ai enseigné dans deux établissements scolaires parisiens.
Pour le premier la devise était :
"L'invitation à l'excellence".
La politique de recrutement des élèves et des profs s'appuyait donc sur des paperasses diverses : CV, carnets de notes, rapports d'anciens établissements etc.
Pour le second établissement, où j'enseigne aujourd'hui, la devise est :
"Exigence, Attention, Compréhension"
et l'objectif sous-jacent :
"Vers l'excellence de la personne".
Si je comprends bien, mon actuel lycée serait un peu québecois sur les bords.
Est-il utile de préciser que je me sens beaucoup plus en accord avec ce projet éducatif qu'avec le précédent ?
Je suis vert!!! J'avais tapé un long commentaire qui s'est vu refouler car trop long mais en plus détruit par le système de commentaire. Grr, j'en rage.
Je vais retaper juste ma conclusion du coup que j'avais sauvegardée:
"L'herbe n'est pas plus verte ailleurs. Elle pousse selon la façon où on souhaite la faire pousser tout simplement.
Bon courage en tout cas, les questions sans réponses ne sont pas là pour aider c'est sûr mais si elles étaient plus souvent posées peut-être trouverions-nous des solutions qui sait.
Et malgré tout cela, nous faisons un métier formidable et nos jeunes ne demandent qu'à apprendre le plus souvent si les parents nous suivent poru les pousser justement à être curieux et à apprendre. Ils sont le plus souvent créatif et avide de savoir sortant de l'ordinaire. Si seulement on nous laissait faire simplement notre art qui est de transmettre ce qu'il y a de plus cher à l'humain "le savoir" ou encore "la vie" en quelque sorte.
Bon courage et ne perdez pas espoir MissMaths, vous avez selon toute vraisemblance les moyens de faire votre métiers de façon remarquable :)."
Enfin, juste pour préciser:
Avec toutes les aide individualiser t autre adaptation pour l'enfant-roi au sein du système français, je ne suis pas sûr de pouvoir croire les dires selon lesquelles nous formons l'excellence car nous ne sommes (très?) loin (hélas?).
Aujourd'hui ce sont les parents qui décident de ce qui est bon ou pas pour leurs enfants au sein du système français (non pas dans le contenu qui s'adapte à la forme mais sur la forme bien entendu). Après, il reste aussi que la politique du non redoublement (l'élève risquerez d'être traumatisé vous ne vous rendez pas compte... cette phrase est l'argument majeur pour cette politique de non redoublement, ça fait peur, non? A moins que les générations précédentes ne sont que des frustré en fait vu que à l'époque on ne vendait pas du rêve aux gamins et donc on faisait redoublé lorsqu'ils n'avaient pas le niveau tout simplement).
Donc croire qu'on enseigne l'excellence ne france fait peur mais bon à croire que malgré le bac donné ou presque, nous mettons encore la barre trop haute pour nos chères têtes blondes...
J'ai un malaise avec ce cliché voulant que les Québécois soient sans culture et sans intérêt pour celle-ci plus qu'un autre peuple. Pour moi, c'est un fond de complexes d'infériorité de colonisés, ça me semble réducteur et pas si vrai que ça. On a tellement fait de chemin sur ce plan depuis la Révolution tranquille. Bien sûr, je n'idéalise pas non plus: je constate chaque jour les lacunes dans la culture générale de mes étudiants (et la mienne). Bien sûr, je trouve qu'on ne valorise pas assez la culture et l'éducation, en général au Québec, mais je me demande si cela n'est pas un problème actuel de toutes les sociétés capitalistes. Mondialisation vous dites? Quand je lis des publications européennes, j'ai l'impression d'entendre les mêmes propos, les mêmes craintes que nous avons ici. D'ailleurs, la France vit elle aussi une crise en éducation et sur le plan des valeurs. Enfin, je ne sais pas et je n'ai pas de réponses à toutes ces questions, mais ce billet fait réfléchir... Tiens, pour t'amuser, je te donne un lien vers une vidéo. Tu verras que nos élèves ne sont pas les seuls à dire des bêtises dans leurs évaluations:
http://blog.francetv.fr/les-meilleures-videos-du-net/index.php/2009/11/24/153868-les-epreuves-du-bac-2008
Si tu émigres, je viens avec toi! =)
Miss: il faut effectivement éviter de généraliser, mais une partie de l'assertion du Dr Chicoine me semble fondée.
Au Québec, on materne. On fait attention à l'estime de soi. On veille à ce que l'élève puisse s'exprimer même s'il n'a rien à dire et que son message st incompréhensible parce que mal formulé. On part toujours du vécu de l'élève, même si son vécu se résume à une console de jeu...
J'ai une fille qui a la double nationalité. Tu as compris que les deux cultures, je les vis souvent. Quand elle revient de France avec un accent, ça me fait toujours un choc culturel. Mais j'ai effectivement remarqué que, pour la belle-famille, la culture et l'éducation dans un sens large sont très valorisées. Comme parents, on se sent le devoir de munir le jeune d'un certain bagage culturel.
Par contre, je sais aussi que le système français est souvent implacable avec la différence.
Le meilleur système? Un mélange des deux.
Pour le meilleur ou le pire, je vise tout d'abord l'excellence en fonction des capacité de l'élève. Qu'il me donne ce qu'il peut me donner, fort ou faible. Son rendement doit être à la hauteur de son potentiel.
L'excellence dans quoi précisément? Dans son comportement; dans ses attitudes personnelles, scolaires et sociales; dans les compétences que je dois évaluer. Et ses compétences reposent au départ sur de solides connaissances.
Sauf que je suis un prof humain et je tiens compte de ce facteur. Mes jeunes sont des humains, pas des robots. J'enseigne souvent à des groupes performants et l'aspect psychologique du jeune a un impact majeur sur sa vie scolaire. On parle souvent des décrocheurs, mais j'ai souvent dû travailler avec des névroses, des dépressions, des angoisses de jeunes que les parents et le système poussaient à bout. J'ai dû leur apprendre à décrocher, à vivre.
J'ai aussi travaillé avec des élèves «ordinaires» dont la vie eprsonnelle et familiale poussait à l'échec. Là aussi, je me suis adapté, mais je n'ai jamais modifié mes exigences. Seulement mon approche.
Cela étant dit, on vit au Québec en fonction du rendement à des examens dont on questionne peu la forme et les critères d'évaluation. Ce qui importe est la réussite du plus grand nombre, ne l'oublie pas. Et cela, même si on doit parfois dénaturer le sens du mot réussite.
En passant, comme je suis une langue sale, je ne comprends pas pourquoi on parle de malaise en éducation: la réforme ne devait-elle pas tout régler? : )
Bon, j'ai féminisé mon père dans mon commentaire.
Je ne sais plus si cette comparaison avec la France tient autant, on y entend là-bas des commentaires aussi concernant le nivellement vers le bas.
Mais je le dis et je le répète : les élèves au primaire sont assoifés de culture, des fois, ils nous semblent réticents, mais lorsque leur prof persiste et qu'il se permet de montrer cette passion pour la culture, pour l'information, pour les arts, pour l'ouverture, ils entendent.
À leurs oreilles, souvent, ce sont toutes de belles histoires intéressantes.
C'est la même chose avec la musique.
Avoir de la culture ?
Savoir ?
À quoi ça sert ?
On peut si bien vivre sans.
C'est vrai, mais à condition de vivre en dehors de la société de consommation...
Publier un commentaire