Là où Missmath dérive et Weby intègre.

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Je note

Si on exclut toutes les autres tâches connexes qui sont de plus en plus nombreuses et dont certains arrivent à se passer (excusez ma rancœur), l'enseignant au collégial porte devant ses étudiants deux chapeaux, soit celui de formateur et celui de certificateur.

Je note.

La responsabilité de la diplomation de mes étudiants repose donc sur mes épaules.  Le Ministère m'envoie le devis d'un programme, j'y extrais les compétences propres à ma discipline, je décode les objectifs et standards que je traduis en cibles de formation et j'évalue le développement de la compétence chez chacun de mes étudiants en retournant à la fin de la session au Ministère la note de chaque étudiant pour mon cours.

Pourquoi une note ? Pour plein de mauvaises raisons, mais parlons d'autre chose.

Pendant la course contre la montre de la fin de la session, il s'est passé un scandale qui a fait la une des journaux : le ministère de l'Éducation arrondit les notes, les notes sont gonflées.  Le Ministère ne le savait pas.  On a à peine souffler dans le ballon de la modération, qui a pourtant bien meilleur goût.  On parle maintenant de commission parlementaire pour faire la lumière sur ce sujet.  Le cabinet aurait même tenté de banaliser l'affaire en affirmant que "le Québec a des normes plus élevées que l’Ontario à cet égard.  La note de passage est de 50 % dans cette province".  On ne rit plus.  

Il est tout de même fascinant de constater à quel point on peut provoquer des scandales avec des pratiques vieilles comme la lune.  Il y a 1000 ans, lorsque j'étais au secondaire, on parlait de normalisation des notes.  Pendant quelques années, au Cégep, toutes les notes inférieures à 30% que nous accordions étaient inscrites comme étant de 30%.  C'est bon pour les moyennes, mais tellement mauvais pour la cote R.  Pendant plusieurs années, la direction nous a recommandé d'éviter les notes entre 55% et 60%.  (On remarquera ici l'emploi des verbes "recommander" et "éviter".  C'est l'enseignant qui évalue, pas la direction.)  Heureusement, ces temps sont chez nous révolus.  Nous évaluons de façon certificative.  Enfin, pas tout à fait, mais presque.  C'est compliqué.

Je note.

Avez-vous déjà entendu parler du monde oxydental ? Savez-vous que la réforme de l'orthographe a éliminé toutes les règles de conjugaison et d'accord et qu'il y a eu uniformisation de l'orthographe des homonymes ? Sa, ces vrai ! Savez-vous qu'il y a environ 10 mois dans une année et qu'il est tout à fait vraisemblable de rencontrer 512 personnes dans un groupe de 350 personnes ? Savez-vous que la calculatrice est nécessaire pour déterminer combien font 3 x 8 ? Qu'il est tout à fait normal que la durée moyenne des ampoules électriques soit de 32 heures ? Que s'il y a 45 femmes dans un groupe de 90 personnes, cela signifie que 40,5 % du groupe sont des femmes ? Qu'entre 0/5 et 5/0, il y a une opération qui ne se fait pas et qu'il n'est pas évident de savoir laquelle ?

Je note.

Comment se fait-il que nous recevions aux études dites supérieures de plus en plus d'étudiants qui ne devraient pas avoir réussi leur classe de 5e ? (Je parle du primaire !)

Manipulations administratives ?
Quotas d'échecs ?
Subjectivité des évaluations ? (Non, mais il est tellement gentil !)
Effet Pygmalion ?

Et si le problème était tout simplement la note ?
Et si l'évaluateur avait une liste de critères précis et descriptifs qui lui permettaient de déterminer si un élève réussit ou échoue ? Et s'il y avait des conditions essentielles de réussite pour attester de la réussite à tous les niveaux ? Et pourquoi pas pour toutes les cibles de formation ?

Une fois le seuil minimal de réussite franchi, l'évaluateur pourrait établir le niveau de maîtrise de l'élève tout simplement en lui donnant une cote.  Passable.  Assuré. Maîtrisé.  En ajoutant bien sûr des descripteurs significatifs pour ajouter un minimum de formatif ou d'information.  Le Prof Masqué m'apprend d'ailleurs que la Fédération des comité de parents plaide pour des commentaires avant des notes.

C'est bien beau tout cela, mais c'est oublier qu'outre la surcharge de travail que ce mode d'évaluation entraîne s'il est bien fait, on l'a essayé il y a quelques années en inscrivant des lettres (ou des binettes) et des commentaires et que ça n'a pas fonctionné.  On a cédé car les parents qui exigeaient des moyennes pour pouvoir situer leur enfant.  Alors on convertit les cotes en notes.  C'est de la frime, la moyenne n'est pas une mesure de position et les notes restent qualitatives, mais au moins, les logiciels acceptent de calculer leurs moyennes et les parents sont contents.  Tant mieux si désormais on préfère les commentaires aux notes, mais si j'en juge par mes étudiants qui me supplient de publier les moyennes de mes évaluations "pour pouvoir se situer par rapport au groupe" et "savoir s'ils doivent faire plus d'efforts dans le cours", ce serait étonnant que ça fonctionne.

En imaginant que ce mode d'évaluation soit prescrit, on se retrouverait face à un autre problème : les taux d'échec.  Que faire devant un haut taux d'échecs ? À qui la faute ?

  • Au prof, bien sûr ! Bien des parents vous le diront.  Enfin, pas les parents qui ne s'occupent pas de leurs enfants, mais les autres, ceux qui se préoccupent de leur futur médecin-astrophysicien-ingénieur-en-devenirD'ailleurs, il suffit d'avoir reçu un diplôme, même s'il s'agit d'un diplôme d'études secondaires, et d'être parent ambitieux d'un élève en difficulté pour s'imposer autorité pédagogique.  Il suffit d'être à la direction des études pour s'inquiéter des hauts taux d'échecs de certains enseignants et exiger des explications aux profs.  On ne veut tout de même pas arrêter la chaîne de production.  Des taux d'échec trop élevés, cela signifie plus de groupes d'un niveau et moins d'un autre.  Le système n'attend pas.  L'évaluation des enseignants (et des parents !) étant un sujet tabou, n'en parlons pas.
 
  • Aux directions scolaires qui ne priorisent pas les moyens favorisant l'apprentissage ? Elles vous répondront que c'est le ministère qui ne donne pas les ressources.
 
  • Quant au ministère,  il répondra... bof selon le goût du jour.  Cela n'a de toute façon aucune importance.  L'important, c'est que le système fonctionne.  C'est-à-dire qu'un enfant entre à la maternelle, passe son primaire et son secondaire dans un temps raisonnable, voire optimal, donc garder un taux de diplomation convenable, voire maximal, au secondaire.  Pourquoi ? Parce que la plupart des employeurs recherchent des employés ayant au moins un diplôme d'études secondaires.  Alors on donne des petits ajustements, un examen fafa par-ci, des arrondissements par là, oups, le peuple s'inquiète, on serre la vis, oups pas trop, et on note. 


Source : Fabien Doulut

On note.  Mais évalue-t-on ?

Le plus simple : laisser courir.
Compétents, pas compétents, à vos marques, prêts, passez !


Mais où est l'élève dans tout ça ?
Où en est-il vraiment dans ses apprentissages ?
Où est l'évaluation des compétences ? 

Probablement, perdu kek part en Oxydent.

2 commentaires

Le professeur masqué a dit...

Un de mes élèves parlait de terroristes arabes en disant qu'ils étaient des «anti-oxydants»...

Missmath a dit...

On les traite cependant comme des cancers...