Nous manquons désespérément d'enseignants de mathématique. Nous en manquons tant que la plupart des étudiants en enseignement des mathématiques au secondaire en viennent avant même la fin de leur diplôme à refuser des heures de suppléance. Dans la faculté de l'université près de chez moi, le cardinal des cohortes d'étudiants en formation des maîtres en mathématique (c'est de l'humour) se compte sur les doigts... souvent d'une seule main.
Le but de ce billet n'est pas de critiquer le programme de formation des futurs enseignants, mais de constater la faim du milieu.
Pour encourager la relève, l'université près de chez moi permet aux étudiants d'arriver de tout profil, à condition d'avoir l'équivalent des cours de calcul différentiel et intégral et d'algèbre linéaire et de géométrie vectorielle de niveau collégial.
Par contre, comme on manque désespérément d'étudiants, on permet aux élèves qui n'auraient pas ces préalables de prendre des cours de mise à niveau à l'université.
Est-ce vraiment ouvrir la porte aux vocations tardives ?
Bien sûr, il y a derrière tout ça une question de $$$.
Mais...
Un enseignant a deux missions ultimes :
- Agir comme tuteur pour ses étudiants, les aider à grandir droits et forts dans sa discipline
- Communiquer la passion qu'il éprouve pour sa discipline pour minimalement transmettre l'attitude essentielle de sa discipline à ses élèves.
Or, quand un enseignant a des lacunes dans sa discipline tellement grandes qu'il devient un tuteur faiblard, quand sa discipline l'a jadis laissé si indifférent qu'il doit maintenant faire en mise à niveau les préalables qu'il lui manque pour faire sa formation (formation dont moins de 15 % est du contenu disciplinaire proprement dit), comment voulez-vous que ce futur enseignant devienne un témoin heureux de sa discipline ? Comment voulez-vous qu'il accepte de passer ses soirées et ses fins de semaine à préparer des activités d'apprentissage qu'il aura lui-même du mal à réaliser et à corriger ? Comment voulez-vous, si déjà, il n'était pas convaincu de l'importance de sa discipline, qu'il sache témoigner de son essence à ses étudiants qui ne veulent rien savoir de son cours ?
Une enseignante au secondaire me racontait qu'elle disait à ses élèves qui ne comprenaient pas l'utilité des mathématiques la chose suivante :
"Écoute, c'est pas toi ni moi qui allons changer les exigences du Ministère et si tu veux avoir ton diplôme, il faut que tu passes mon cours, alors organise-toi pour passer."
Quand je demande à mes étudiants pourquoi ils veulent enseigner les mathématiques au secondaire, ils sont d'abord surpris par ma question, puis ils brodent de belles intentions. Ce n'est cependant pas très long que l'on distingue ceux et celles qui aiment vraiment les mathématiques de ceux et celles qui ont choisi ce programme pour les deux mois de vacances.
Heureusement, dans l'université près de chez moi, les chargés de cours de mathématique font des pieds et des mains pour aider les étudiants, pour permettre à ces étudiants qui n'ont aucune idée de ce que peut être une dérivée de résoudre des équations différentielles. Leur tâche est non seulement immense, mais c'est sur eux que repose le clivage entre ceux et celles qui ont le potentiel pour devenir enseignants de mathématiques et les autres qui resteront surveillants de classe. Je les remercie d'être intransigeants à cet égard.
4 commentaires
Bonjour !
Je lis votre blogue(que je trouve fantastique) depuis maintenant quelques temps. Vous aimerez sûrement l'idée que c'est mon conseillier pédagogique qui me l'a fait découvrir.
À l'université alors que je complétais mon b.e.s. dans un cours d'analyse (ou plutôt d'introduction à l'analyse) :
«
Le prof : Vous devez faire l'intégrale suiva...
L'étudiant : AYE, on voit pas ça des intégrales au secondaire faque on fera pas ça dans ton cours ok ?
- Euh...
»
Et comme c'était son premier contrat, on n'a pas fait d'intégrale. On n'a pas fait de dérivée non plus.
Il y en a beaucoup à dire sur l'enseignement offert dans les facultés d'éducation et, s'il s'y trouve d'excellents professeurs, il faut admettre que certains seraient plus utiles en faisant autre chose !
Dans certaines facultés d'éducation, les professeurs (particulièrement en mathématique) ne sont que des chargés de cours qui occupent des emplois à l'extérieur de l'université et qui sont totalement déconnectés du programme.
Ne pas faire de dérivées ni d'intégrales dans un cours d'analyse... qu'y avez-vous fait ? De la factorisation et des résolutions d'équations ? Visiblement, ce chargé de cours n'a jamais réfléchi à l'utilité du cours d'analyse dans la formation de ses étudiants, ni au sens du terme analyse, ni au respect des objectif de son cours et surtout on n'a jamais vérifié si son cours répondait aux objectifs établis par le programme (ceci est d'ailleurs vrai dans tous les cours post-secondaires, quoiqu'au collégial, on commence à vouloir imposer un certain contrôle de la validité des cours... mais ce n'est pas gagné...)
Je croyais que The Dude et чувак ne formaient qu'un, mais je découvre un nouveau blogue de mathématique !
Bienvenue dans le Brouillon.
Merci !
Et un joyeux temps des fêtes !
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