Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, disait Boileau.
J'étais prête. J'ai ouvert le gallon. Bizarre ce liquide en suspension. Eh ben. J'ai commencé à teindre. Odeur forte. J'ai éclaboussé. Pas grave, je vais essuyer avec un linge humide. Bizarre, ça résiste. Bizarre, mes mains ne se lavent pas à l'eau. Ah ben, &%?&$, la &?%?$% s'est trompé et m'a vendu de la teinture à l'huile. Paresse et entêtement, je termine et je fais descendre tous les saints du ciel en nettoyant les pinceaux et mon beau corps de déesse avec du diluant à peinture. Hors de question de continuer à l'huile.
Je vais donc chercher conseil auprès du jeune homme de mon magasin de peinture qui me dit avec son sourire partiel de joueur de hockey : "Vous ne pouvez pas teindre au latex sur de la teinture à l'huile, la teinture ne pognera pas, il faut continuer à l'huile." Mauvaise réponse. "Faudra sabler." Très mauvaise réponse.
Et après, pendant l'apprêt, je pestais.
Comment ça se fait qu'on apprend pas à l'école des trucs vraiment vraiment utiles, des trucs que tout le monde doit faire un jour ou l'autre. Distinguer peinture de teinture. Savoir se débrouiller en cuisine. Savoir s'occuper d'un bébé. Vérifier la pression d'un pneu. Savoir coudre des ourlets ou des boutons. Savoir qu'on visse tout le temps dans le sens horaire, qu'on dévisse dans le sens mathématique (facile, les matheux ont des vices). Savoir qu'une prise de cuisine est reliée sur deux disjoncteurs et qu'il faut couper ses ponts pour la diviser. Savoir que pour aérer, il faut une entrée et une sortie d'air...
Plein de petites choses qu'on finit par apprendre au cours du beau projet de la vie, par des erreurs qui nous auront enragés et qui nous font perdre suffisament de temps pour qu'on s'en souvienne. Le constructivisme de la vie, mais toujours dans un contexte de réalisation apparenté à l'état d'urgence.
Ajoutons donc un cours au curriculum du primaire et du secondaire. Appelons-le Initiation à la vraie vie.
"Mais on n'a pas le temps ! Déjà nos cours sont surchargés !"
Bon, bon, examinons cela.
Effectivement, on devrait même ajouter des heures aux cours de formation générale (français, anglais, espagnol, sport, éthique ou moral ou citoyenneté), il n'y a pas assez d'heures non plus en histoire, en biologie, en sciences, en géographie...
Mais, on pourrait bien couper en mathématique, car je peux prouver que les mathématiques sont inutiles.
On parle de géométrie, d'algèbre, d'étude de fonctions, de combinatoire, de probabilités, de trigonométrie... Quelle proportion de tout ce que vous avez appris en mathématique vous est vraiment utile dans votre vie de tous les jours ?
Quand je dis en rougissant que je suis prof de maths (c'est quand même une profession un peu honteuse), on me répond l'une ou l'autre des affirmations suivantes :
"Ah, moi j'aimais ça les mathématiques. Le calcul là... les dérivées..."
(L'hésitation, la recherche dans des parties lointaines du cerveau avec le plissement de yeux qui vient avec, permettent de constater que les titres des thèmes ont été retenus, mais pas le contenu et il s'en suit toujours un petit silence où, pendant un court instant, la personne se demande comment quelqu'un peut décider de passer sa vie à faire ces trucs inutiles dont on n'a qu'un vague souvenir des noms.)
ou
"Mathématique, houhouhou, ça c'était pas mon fort."
(Cette phrase est toujours dite avec un pas en arrière et un regard effrayé, le prof de maths faisant partie de la catégorie des monstres ou des pestiférés.)
Dans un cas comme dans l'autre, on constate l'imparfait des mathématiques dans la vraie vie. Le vrai monde faisAIT des mathématiques, mais maintenant qu'il n'est plus à l'école, il n'en fait plus.
Donc, les mathématiques sont inutiles.
C.Q.F.D.
Si j'avais fait moins de maths à l'école, si j'avais eu un cours d'Initiation à la vraie vie, j'aurais su que la nuit ne fait pas sécher la teinture... Mais voilà, ce cours n'existe pas, alors je cite encore une fois Boileau.
Beaucoup de gens, même des collègues, applaudiraient cette démonstration. C'est d'ailleurs ce qui explique que les mathématiques disparaissent de plus en plus des programmes de formation. Les mathématiques sont aussi inutiles que les insectes.
(Supprimez les insectes et dans 15 ans, il n'y aura plus de vie sur Terre.)
9 commentaires
Les mathématiques sont inutiles, j'en veux pour preuve que rien ne me fais plus peur qu'un tas de zéro qui s'additionnent !
Les mathématiques sont inutiles car sept fois quatre font 7777.
Les mathématiques sont inutiles car elles ont oubliées ce qu'elles sont à leur origine pour s'enfermer dans un monde psychédélique nommé cartésien.
Le temps a dit et Missmath commente :
"rien ne me fais plus peur qu'un tas de zéro qui s'additionnent !"
À la limite, ça choque en effet. De quoi avoir envie de jeter la pierre au calcul.
"Les mathématiques sont inutiles car sept fois quatre font 7777."
Effectivement, c'est une façon mathématiquement admise de définir le produit utilisé en particulier en informatique.
"Les mathématiques sont inutiles car elles ont oubliées ce qu'elles sont à leur origine pour s'enfermer dans un monde psychédélique nommé cartésien."
On a peut-être oublié de vous dire que la porte de ce monde cartésien n'est pas verrouillée et si vous allez retrouver les mathématiques d'un autre temps, non seulement personne n'en sera choqué, mais vous n'y serez pas seul.
Merci pour votre commentaire, votre site tout comme votre message démontrent que les mathématiques ne vous sont pas inutiles.
Une claque dans la face…
Désolé pour la tranche de vie. Lundi, 11 juin 2007. Journée d’activité. Soleil, crème, bonheur, cartes « google map », bracelets et bouteilles d’eau. Direction : La Ronde avec les élèves de l’école. Je suis un des quatre enseignants désignés pour rester à la Ronde en fin de journée en cas de pépin. On a plutôt eu affaire à un noyau (ou à un lot de pépins)! Primo, une élève ne se présente pas au rendez-vous donné à 17h30 pour prendre l’autobus. Ses amis sont catégoriques : elle a rencontré un ami avec qui elle avait discuté la veille sur Internet… Secondaire 2, imaginez-vous! Elle est partie à midi, avec lui.
Résumé : Appel à la direction, appel à la maison, appel à la police, appel à la maison, appel à la direction, discussion avec les agents de sécurité de la Ronde, appel de la direction, appel des parents, message laissé sur le cellulaire de l’élève, problème réglé; 2 heures plus tard.
Deuxio, appel d’une enseignante se trouvant dans l’autobus #2. L’autobus est en panne près de Decarie. Bordel. On s’y rend. Deux élèves asthmatiques sont en panique, car la chaleur à l’intérieur de l’autobus commence à être insoutenable. Tous les élèves ont très chaud; un vrai sauna! Un agent de la ville se veut catégorique : personne ne sort de l’autobus, et ce, malgré le fait qu’une branche d’accès de l’autoroute soit fermée. Un élève perd connaissance. L’agent de la ville laisse soudainement sortir les élèves, après 1h00 de supplice. (phénomène inexpliqué!)
Le retour à l’école se fait bien, mais… quatre heures plus tard que prévu.
Bravo pour les mathématiques… mais dans une situation comme celle-là, elles ne m’ont servi à rien.
« Initiation à la vraie vie »? Idée géniale! Mais pourquoi est-ce que ça ne serait pas l’affaire de chaque enseignant de prendre quelques minutes d’un cours pour expliquer ce genre de phénomène? Est-ce interdit? Est-ce que la dureté du programme en est vraiment pour quelque chose?
Je me rappelle d’un enseignant de biologie qui nous avait expliqué comment laver le linge blanc de manière efficace. Oui, il y avait un faible lien avec la bio (éliminer les bactéries). Aucun avec le programme. Personne n’est mort.
Le lendemain, j’ai raconté mon aventure à la Ronde à tous mes élèves (aucun n’était dans l’autobus-sauna). Je leur ai raconté tout ce que je ne savais pas. Quoi faire quand quelqu’un tombe évanoui, quelques codes de la route en cas d’urgence, etc. Personne n’est mort.
Morale de l’histoire : un enseignant en mathématique peut se rendre utile en racontant des anecdotes. Les collègues pourraient en être offusqués… Mais il n’est pas obligé de le dire à ses collègues, car parfois ce qu’un collègue ne sait pas ne peut que le rendre heureux!
La béatification est-elle assurée lorsqu'on est professeur au secondaire ?
J'attends encore ma canonisation...
Secondaire 2 ... "message laissé sur le cellulaire de l’élève".
J'en reviens juste pas... Qu'est-ce qu'un enfant de 13 ans fait avec un cellulaire? Moi j'en ai 37 et je n'en veux meme pas un... Jusqu'ou ira la consomation???
Sacré Charles !
Les maths ... C'est vraiment pas mon fort ( et , je ne dit pas " c'était" , car je suis encore à l'école ! ) . Et oui , j'ai bien un regard apeuré . C'est même pire que ça ! J'en ai mal à l'estomac ,d'aller en cours , ne pas comprendre la logique , qui m'est imposer .( Parce que , elle l'est !) . Et pourtant, je suis sur que si je serais forte en maths , je ne jugerait pas le tout inutile ( du moins je penses ) .
Je suis tellement en retard que Youna ne repassera sans doute plus par ici. Je lui aurais cité Boris Vian : Ta logique n'est pas ma logique, mais elle n'est pourtant pas alogique.
La logique mathématique ne peut pas être imposée. Seuls les définitions, les axiomes et les postulats le sont pour s'assurer le bon entendement.
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