Je ne vous raconterai pas ma vie, mais je vous dirai que ça fait un bail que je tic.
Ne vous moquez pas. Je le sais que ce blogue vient de naître. Je le sais qu'il y a à peine six mois, je découvrais toute la puissance des fils RSS, je sais que j'ai construit mon premier wiki il y a à peine deux semaines et je sais que j'ai bien du retard à rattraper.
Je vous entends me huer : "Touriste !"
Car vous qui me lisez, vous avez vos agrégateurs depuis fort longtemps, vous avez vos blogues depuis des années (je le sais, je vous avais dans mes marque-pages) et vous enregistrez sans doute votre liste de courses à faire pour la consulter en baladodiffusion. Il est donc vrai que, par rapport à vous, je suis une touriste. Mais par rapport à mes collègues, alors là, je tic. Je dirais même que je suis une pro-tic.
Bien sûr, au département, nous touchons tous plus ou moins nerveusement à Excel (plans-cadres obligent) et quelques uns jouent avec MathCad. Ça ne compte pas. Considérons plutôt l'utilisation des plate-formes éducatives, les habiletés à utiliser les outils du web ou (je dis bien ou) l'aisance à utiliser le matériel informatique plutôt que les instruments traditionnels. Nous comptons alors dans mon département 3,5 TIC et 14,5 antiques. (Je sais, c'est étrange, mais on tient ici un dénombrement rationnel) Pour les amateurs de statistique, des 3,5 TIC, on compte 2 vieux et notre petite nouvelle (évidemment, c'est de sa génération !) et la demie vient d'un collègue qui navigue régulièrement sur Internet et qui s'intéresse aux nouvelles technologies pour son plaisir personnel, mais qui jamais n'oserait s'aventurer à utiliser les TIC avec ses étudiants. Ça vous donne également le niveau des antiques !
Vous voyez donc le gouffre immense qui sépare les antiques des vrais professionnels des TIC. (Et du coup, de par ma position, je me retrouve forcément au fond du gouffre !)
La question quiz : Pourquoi ?
Je ne sais pas. Et voilà un bout de temps que j'y réfléchis et je stagne. Peut-être aurez-vous le goût de nourrir ma réflexion.
Causes du fossé entre ceux qui tic et ceux qui tiquent :
A- Causes externes
i) Le service informatique du cégep
À l'époque où les élèves inséraient des disquettes à l'envers dans les lecteurs, où le réseau plantait au moins 4 fois par jour et où les systèmes n'étaient pas stables, les techniciens débordés n'étaient disons pas très sympatiques avec les professeurs qui eux aussi s'initiaient aux nouvelles technologies en autodidactes, ce qui fait que plusieurs ont été échaudés comme des chats et qu'aujourd'hui, alors que le service informatique est fonctionnel, efficace et courtois, ces profs craignent l'eau froide. Parlez-leur de laboratoires obligatoires, d'ordinateurs, ils préféreront changer de cours. Pour apprendre, il faut être motivé. Pour être motivé, il faut se croire capable de réussir et aujourd'hui ces profs se savent complètement dépassés.
ii) Le service pédagogique
J'ai beaucoup de mal à jeter la pierre à ce service, ne serait-ce que parce que sa tâche est immense et qu'il y a trop peu de ressources. Pendant plusieurs années, l'essentiel du travail était consacré à la réforme (révision des programmes, rédactions des plans-cadres (et ses changements de normes)...) Une conseillère aux TIC a finalement été nommée, mais, malgré la tribune enviable qu'elle a eue, elle n'a pas su faire lever l'enthousiasme chez les profs. Il faut dire que la réforme sapait toute l'énergie. Depuis peu, une nouvelle équipe de conseillers est en place et elle souffle sur le cégep un vent nouveau, vivifiant et énergisant. Non seulement notre nouveau conseiller aux TIC s'intéresse-t-il globalement à tout ce qui existe et connaît-il plusieurs des technologies pour les avoir expérimentées, il est surtout d'une grande souplesse et d'une ouverture d'esprit, qualités essentielles à ce poste où, justement, l'outil doit venir en aide à la pédagogie. Pour lui, il est évident que la pédagogie ne doit pas s'adapter à l'outil imposé par le cégep (car on a vu ça aussi chez nous, mais c'était sous une autre direction ).
iii) La convention collective
Les points i) et ii) étant absous, ce point iii) est à mon avis la cause de bien des maux dans nos établissements. On lit dans la convention collective la description de la tâche d'un enseignant. On y retrouve trois volets. Un volet obligatoire qui porte essentiellement sur les cours, un deuxième volet qui oblige une délagation d'enseignants pour certains comités et un troisième volet qui est en quelque sorte une liste de tâches recommandées. Parmi ces tâches facultatives, on retrouve le perfectionnement. Je pourrais ici faire une belle montée de lait, mais je vais me retenir. Existe-il beaucoup de professions où le perfectionnement est facultatif ? Existe-il un domaine plus changeant que l'éducation ? Additionnez vos deux réponses et multipliez votre grogne.
B- Cause interne
iv) L'absence du besoin.
"Je n'ai jamais utilisé les TIC, je n'en ai pas besoin, d'autant plus que j'ai bien d'autres choses à faire qu'à apprendre à me servir d'une machine !" "Quand j'ai fait mes études, il n'y en avait pas d'ordinateur et j'ai très bien appris, alors les élèves peuvent bien faire pareil."
v) Le manque de temps
"J'ai beaucoup trop de contenu dans ce cours, je n'ai pas le temps de faire ça." "Combien de temps ça te prend à préparer ce matériel-là ?" "Je prends ma retraite dans 5 ans, j'ai pas envie d'apprendre à me servir de ça." "J'ai des nouvelles préparations et des gros groupes en plus des comités de programme, rajoutez-moi pas autre chose." "Il y a une rencontre d'information, mais je ne peux pas y aller, j'ai une réunion de..."
vi) Le manque de confiance
"Je tape à deux doigts, je n'y arriverai jamais." "Les élèves en savent plus que moi sur les ordinateurs, je vais perdre la face." "Déjà, j'ai eu de la misère à apprendre comment prendre mes courriels, alors j'imagine le reste."
vii) Le manque d'uniformité de la formation
J'ai remarqué la forte tendance à créer des groupes de formation aux TIC pour faire d'une pierre plusieurs coups et je pense que c'est une bien mauvaise idée étant donné que les groupes sont toujours hétérogènes. Les formateurs, souvent des mordus, ont toujours tendance à en montrer le plus possible, ce qui satisfait les rares assistants qui s'y connaissent déjà et ce qui découragent totalement tous les autres qui veulent s'y initier (et on retourne à vi, qui nous ramène à iv) et à v)).
Piste de solutions...
Pour les profs : Être des porteurs heureux et encourager la collaboration.
Pour les conseillers : Des bulles, des bulles, Pépin !
4 commentaires
Bonjour Missmath!
Je ne sais si tu connais ces fameux textes de M. Gilles Jobin. Il y fait état de ses constats quant à l'inétgration des TIC (cette fumisterie! dirait-il). Ils sont fort intéressants. Je suis convaincu que tu aimeras.
http://www.gilles-jobin.org/jobineries/index.php?2005/08/23/251-tic---ce-que-je-crois
http://www.gilles-jobin.org/jobineries/index.php?2007/01/02/532-l-integration-des-tic
Ces articles sont effectivement à lire obligatoirement.
Monsieur Jobin que j'adore d'autant plus qu'il est vrai matheux passionné publie sur le premier billet suggéré par Charles-Antoine ses pistes de solutions que je me permets de transcrire ici :
Je crois que pour faire évoluer les choses il faut :
1- Appuyer uniquement les enseignants qui sont déjà très en avance. Ces derniers créeront des modèles que d'autres pourront éventuellement adapter. Au lieu de s'arrêter à la première difficulté rencontrée, ils sauront analyser la situation et trouver les solutions.
2- Aux enseignants déjà en avance, fournir rapidement tout ce dont ils ont besoin.
3- Ne pas alourdir la tâche de ces enseignants en leur demandant, par exemple, de pondre des projets sur papier pour les administrateurs frileux. Diable ! QU'ON LEUR FASSE CONFIANCE.
4- Rechercher de bons éléments parmi les innovateurs du terrain pour qu'ils enseignent aux futurs enseignants. Autrement dit, que les universités commencent par reconnaître qu'elles n'ont pas l'expertise pour faire avancer les choses, et qu'elles puissent embaucher des enseignants compétents/experts même s'ils n'ont pas les diplômes que leurs nobles institutions délivrent et exigent.
5- Que tous les services informatiques des CS soient d'abord au service de la pédagogie.
6- Que le Ministère de l'Éducation mette quelques millions sur la production de matériel pédagogique libre. Les enseignants auraient ainsi du matériel électronique modifiable selon leur propre jugement.
7- Que le Ministère de l'Éducation offre un service de prêts sans intérêt (ou un crédit d'impôt) aux enseignants qui désirent acquérir un ordinateur portable.
8- Que le Ministère de l'Éducation ait un service d'abonnement gratuit à l'Internet pour les éducateurs de la province.
Référence : http://www.gilles-jobin.org/jobineries/index.php?2005/08/
Un problème de qualité(s)…
À mon avis, le problème avec l’utilisation des TIC va encore plus loin. Lorsque vient le temps de parler de TIC avec les enseignants (au secondaire), chacun a sa petite histoire haineuse; sa tranche de vie tristounette. Vous les connaissez, elles commencent toujours par « Moi, je… »! « Moi je trouve ça compliqué de réserver le local, il n’est jamais disponible. » « Moi je n’aime pas utiliser les ordinateurs avec les élèves, ils clavardent sans cesse et regardent des photos sur OutaouaisWeb » … Au fond, il y existe deux raisons fondamentales pour lesquelles les enseignants n’utilisent pas les TIC. Enlevons tous les éléments externes (manque de financement dans les écoles, manque de ressources informatiques, complexité d’un logiciel, etc.)… il reste la paresse et l’impatience.
La paresse : si nous n’avons pas le courage de prendre notre agenda pour planifier un cours ou une activité au local d’informatique, comment voulez-vous trouver de l’énergie pour planifier ce cours, pour trouver des idées, pour modifier des documents fournis par des collègues, etc.! Désolé chers collègues, mais telle est la réalité! C’est évident qu’un enseignant qui utilise les mêmes notes de cours qu’il recopie au tableau depuis les dix dernières années et qui ne veut pas faire quoi que ce soit davantage pour ses élèves est paresseux. Il ne voudra donc pas investir la moindre minute dans toute activité qui déroge à son fantastique plan de cours de 1997.
L’impatience : Une activité avec les TIC gruge un nombre considérable de temps et d’investissement. Souvent, pour qu’un logiciel réponde aux besoins d’une activité précise d’un enseignant, (ex. prouver clairement la loi des sinus à l’aide de Cabri-géomètre), il faut d’abord que l’enseignant s’asseye et apprenne les rudiments de Cabri-géomètre. S’il s’attend à prouver la loi des sinus en 10 minutes, il se trompe. Par impatience, il décroche. Auriez-vous appris à vos élèves à lire le mot « anticonstitutionnellement » sans avoir vous-même déjà appris à lire de simples syllabes (le – bu – du – jus, etc.)?
Bon, opinion assez dure auprès de certains de mes collègues… J’irais même à demander à certains : « avez-vous choisi le bon emploi »?
Ils ont certes choisi le bon emploi, le problème, c'est qu'ils l'ont choisi pour les vacances.
Bienvenue, Monsieur A, dans le brouillon de poulet.
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