Je ne pourrais pas vivre à Montréal. Trop de choses à voir, trop de choses à faire, trop de choses à découvrir.
Après avoir passé six heures sur un banc d'église à vivre le marathon Beethoven à l'église Saint-James délivrée du mal depuis 2005, il était hors de question dimanche matin de rester assise ! J'ai donc proposé à ma grande amie Anne d'aller faire un tour au marché Jean-Talon. En fait, mon collègue M'hammed m'a dit que je pourrais y trouver du safran en poudre, poussière rare dans la région de la capitale nationale !
Dimanche midi d'été au marché Jean-Talon ou faire le tour du monde en quelques mètres carrés.
Que j'aurais aimé avoir mon appareil photo pour prendre la beauté des montagnes de tomates, de concombres, de pamplemousses, de nectarines, de melons et l'étendue des bacs à fleurs. J'aurais aimé photographier cette reine africaine d'une beauté à couper de souffle dans sa longue robe brodée. Ou cette autre dame dans son sari rose. J'aurais aimé enregistrer cinq minutes de conversations là en italien, là en arabe, là en hindou, là en anglais, là en français de France, là en Québécois. Et les odeurs ! Le poissonnier des Iles-de-la-Madeleine faisait bouillir ses homards juste en face d'une boucherie qui faisait cuire du kefta. Un peu plus loin, un homme coupait des ananas et une dame vendait des savons artisanaux. Que j'aurais aimé pouvoir seulement photographier l'enseigne de la boucherie halal à côté de celle du boucher spécialisé dans la viande porc.
Le monde réuni dans ce qu'il a de plus beau dans quelques mètres carrés.
J'ai mangé un sandwich entourée de femmes voilées. J'ai vu passer un patriarche grec et des hommes à turban. Je suis rentrée à la maison avec du miel de Weedon, du coulis de fraise de l'île d'Orléans, des herbes salées du Bas-du-Fleuve, des gousses de vanille de Madagascar, une noix de muscade du Sénégal, du garam masala, un mélange berbère de 31 épices pour les tajines, des bonbons japonais et des Traoumad. Mais pas de safran en poudre ! Zut !
Me suis-je sentie menacée, envahie, moi la Québécoise on-ne-peut-plus de souche ? Pas du tout !
Voilà ce qu'est l'interculturalisme. C'est plus qu'une ville qui a son quartier italien, son quartier asiatique ou son quartier arabe. C'est à la fois l'affirmation de sa culture, le respect de celle de l'autre et le mélange de tout cela. L'ouverture sur le monde. C'est l'intégration de ce que le monde a de meilleur à offrir.
(Source : Shangaiist)
S'il apparaît évident que le milieu judiciaire se doit de démontrer une neutralité jusqu'au bout des ongles, doit-on en exiger autant du milieu scolaire ? Plusieurs ont été surpris que le rapport Bouchard-Taylor permettent aux enseignantes de porter le hijab. Mais l'école doit-elle pas être le reflet de la société ?
"Mais le voile représente la répression de la femme, la soumission des femmes aux hommes et cela va à l'encontre de nos valeurs féministes."
Rien n'oblige une musulmane à se voiler. Bien sûr, dans certains pays, il y a la pression sociale. Mais pas ici. La charte des droits et libertés nous préserve de ces excès. Si cela ne vous convainc pas, parlez-en à vos grands-mères. Plusieurs se devaient d'être soumises et pourtant, elles ne portaient pas le voile.
"Oui, mais Mona ne veut pas se voiler, ce sont ses parents qui l'obligent à le faire."
Voilà qui relève de la vie privée de cette famille, l'école n'a pas à régler cela... enfin tant que Mona n'est pas maltraitée.
Toutes les étudiantes voilées que j'ai eues portaient le hijab par choix et savaient très bien pourquoi elles le portaient. Ces étudiantes avaient avec les garçons des rapports égalitaires et étaient certainement moins soumises que les petites minettes à peine vêtues qui ne peuvent pas être confortables dans des vêtements coupés à ras des interdits.
Et si ça donnait le goût à nos filles de se voiler ?
Si elles le font par choix et par conviction, est-ce si grave ? De quoi a-t-on peur lorsque l'on voit des gens vivre leur foi selon des traditions séculaires ?
Nous sommes laïcs !
Justement, être laïc ne signifie pas être athée. La laïcité, c'est la séparation de la religion et de l'état. Porter une croix, une kipa, un turban, un hijab, c'est être cohérent avec sa foi. Faire de la propagande religieuse, là, c'est une autre histoire. L'école doit être laïque, c'est dire qu'elle ne doit se limiter qu'à décrire les religions, jamais en faire la promotion.
Mais juste le fait de porter ces vêtements n'est-ce pas de la propagande religieuse ?
Je ne crois pas.
Lorsqu'elle était au primaire, Weby avait une éducatrice qui portait le voile. À son arrivée à l'école la première journée, certains enfants lui ont demandé pourquoi elle portait un voile et elle leur a dit que c'est parce qu'elle est musulmane. Ils n'ont pas cherché plus loin. Il faut dire que Weby fréquentait une école qui savait mettre en valeur les différences culturelles de ses élèves.
Et pourquoi pas le niqab ? La burqa ?
Ces vêtements nuisent à la communication, donc à l'enseignement : interdits ! On oblige les gens à porter des lunettes de sécurité dans les laboratoires, on peut obliger les gens à montrer leur visage quand ils doivent communiquer.
Enfin, peut-être suis-je à côté de mes pompes, peut-être vous dites-vous que c'est là la pensée de quelqu'un qui ne partage pas son quotidien avec ces étrangers. Pourtant, comme j'enseigne dans deux campus, j'ai deux bureaux. Je cohabite dans le premier avec un sage Vietnamien et nous sommes entourés de Catholiques avec un grand C, dans le deuxième, je cohabite avec deux musulmans... et un anglophone ! On s'échange des recettes de cuisine, mais jamais des prières.
Et je rêve que l'école au Québec devienne un marché Jean-Talon.
4 commentaires
Par contre, il existe la pression familiale et elle est très efficace. La Charte des droits en peut rien là-dessus...
C'est hélas vrai, mais l'interdiction de porter le hijab à l'école n'y changera rien.
T'as oublié ce qu'il y a de plus beau en terme d'interculturalisme et de marché Jean Talon : Des kiwis et des hommes!
Oups... c'est que je ne regarde pas la télé, alors...
Publier un commentaire