Là où Missmath dérive et Weby intègre.

Présenté par Blogger.

Enseigner à personne




On traiterait avec raison de taré un prof qui entrerait dans une telle classe vide et y donnerait pendant trois semaines son cours.

C'est pourtant ce que j'ai fait. Pendant trois semaines.

Pas totalement tarée, la Miss, il y avait tout de même à chaque cours 64 yeux qui me regardaient, 32 mains qui notaient mes enseignements. Car hélas, n'ayant pas trouvé mieux, n'ayant surtout pas le temps de chercher mieux puisque trop occupée en génie électrique à tout rebâtir, j'enseigne en sciences de la nature. Un cours comme l'aimerait les Parizeau-Facal-Landry. Rigoureux, sévère, théorique, formelle et surtout toujours magistral. Ouvrez votre tête, les petits, que j'y verse mon savoir. Les étudiants de sciences de la nature sont habitués à cela. Ils le réclament même. Les activités d'apprentissage les ennuient, de la perte de temps diront-ils.

Mais voilà, je n'y étais pour personne.

Résultat de la première évaluation sommative. Une moyenne correcte, rassurez-vous chers parents (pfffff), mais un écart type extraordinairement élevé. Il y a dans la classe deux groupes : un qui s'ennuie devant tant de facilité (j'exagère, mais à peine), un autre qui s'effondre devant tant de difficulté (là, je n'exagère pas du tout).

Conclusion : si j'enseigne pour l'étudiant moyen, je n'enseigne à personne. Continuer à donner mes cours de cette façon serait équivalent à accepter de donner des cours dans une classe vide. Ridicule.

Il me reste donc trois possibilités :

1- Baisser le niveau du cours pour permettre à plus d'élèves de réussir.

2- Garder le même niveau et tant pis pour ceux qui ne suivent pas.

3- Changer de stratégie d'enseignement pour permettre aux forts d'apprendre davantage et aux faibles d'être mieux encadrés pour atteindre le niveau de compétence du cours.

Considérant que ce cours est un préalable universitaire dans plusieurs programmes, considérant que je n'aime pas trop le ridicule et que je n'ai pas de temps pour m'improviser une nouvelle préparation, que feriez-vous à ma place ?

8 commentaires

Anonyme a dit...

Bonsoir MissMath

En regardant la photo qui accompagne ce billet, ça m’a rappelé mes études à la Polytechnique. Si ma jeune mémoire ne me fait pas défaut, je dirais que la salle de cours (aux belles chaises bleues) de cette photo est le local B-311 (pavillon principal).

Pour ton dilemme, je vais me permettre une suggestion : ce serait de combiner tes options #1 et #3. Habituellement, ceux qui ont de la misère en maths, ce sont ceux qui basent trop souvent leurs raisonnements sur l’intuition plutôt que sur les façons rigoureuses analytiques. La formule idéale serait que tu saches trouver le chemin académique qui leur permettrait de passer de l’intuition à l’utilisation efficace des algorithmes pour bien résoudre les problèmes. Mettre du temps à répéter et à détailler étape par étape les algorithmes seraient à mon avis un « bon investissement » équitable.

abcmaths a dit...

En préambule, je note qu'il est déjà très heureux qu'il y ait de bons éléments dans la section .
1) Ne surtout pas baisser le niveau (sauf très ponctuellement) car alors tout le monde relâche ses efforts et l'on entre dans une spirale baissière fuyant inéluctablement vers l'enfer pédagogique !
2)Pour les plus faibles ,seul le pouvoir de séduction de Missmath peut opérer : J'ai confiance !

Missmath a dit...

Effectivement, pour moi aussi, baisser le niveau du cours est inadmissible. Opter pour la facilité, c'est sombrer vers l'ennui, l'inutilité réelle, la perte de temps. C'est d'autant plus vrai que ce cours, comme je le disais plus haut, est préalable dans plusieurs programmes universitaires et je préfère faire souffrir les étudiants au niveau collégial où je peux les encadrer et les guider (je n'ai pas la prétention de pouvoir les séduire !) alors qu'à l'université, ils seront laisser à eux-mêmes.

Ta suggestion, Frankie, est fort pertinente. C'est d'autant plus vrai que je constate de plus en plus que, par instinct de survie, les étudiants apprennent leurs bases mathématiques par coeur ou alors ils "gaussent" (o le jeu de mots) jusqu'à ce qu'ils obtiennent la réponse, or dans mon cours, ces façons de procéder ne donnent aucun résultat. C'est peut-être pour cela qu'ils rencontrent leur Waterloo. Enfin, c'est à suivre.

(P.S. : Faut une mémoire d'éléphant ou hanter encore les lieux pour se souvenir ainsi de ses numéros de classe, non ? ;-) )

abcmaths a dit...

"je n'ai pas la prétention de pouvoir les séduire !"
Je parlais de séduction platonique :

«Pour enseigner, il faut de l'éros.»
Platon

Anonyme a dit...

"P.S. : Faut une mémoire d'éléphant ou hanter encore les lieux pour se souvenir ainsi de ses numéros de classe, non ? "

J'ai effectivement une bonne mémoire.
Les belles chaises bleues hmmmm...
Polytechnique fut un temps, et j'ai été bien capable d'en faire mon deuil, contrairement à certains vieux "fantômes" ...

Stéphanie Demers a dit...

Il me semble, Missmath, que tu as là une situation vygotskienne rêvée : des experts et des novices. Ne serait-ce pas une situation pour faire de l'apprentissage par les pairs et ainsi :

- permettre aux plus faibles d'avoir de l'aide
- permettre aux plus forts de faire ce que Frankie suggère, puisque pour aider, les experts doivent savoir passer de l'intuition à la démarche.

J'y vois des Zones proximales de développement géniales.

Missmath a dit...

Stéphanie, théoriquement, tu as raison. Cependant, il y a un élément qui n'est pas négligeable dans l'affaire qui s'appelle la cote R. Car pour pasticher Rousseau, l'étudiant naît bon, ce sont les études en médecine qui le corrompt.

Enfin, on verra bien, puisqu'à mon humble avis, la collaboration s'impose aussi et ne peut être que gagnante pour tous, malgré la compétition entre les étudiants... après tout, les grands écarts types, c'est mauvais pour la cote R !

Anonyme a dit...

ET si au lieu de baisser le niveau on changeait la stratégie d'enseignement comme le propose la proposition 3?

C'est bien beau mais que faut-il changer et pour aller vers quoi ?

Je dirait qu'un élève qui n'est pas doué, l'est en fait à son niveau. A partir de là, on peut faire progresser un élève médiocre en poussant son propre niveau mais en gardant sa propre base. C'est à dire que les exercices sont les même mais pas vu de la même façon et pas avec la même optique final. De mémoire c'est un jeu d'enfant de faire apprendre l'expression canonique à un élève de 3ème alors que cela n'est pas du tout au programme et donc pas du tout de leur niveau. Qu'est-ce qui fiat marcher l'affaire? Savoir qu'apprendre les identité remarquable à une utilité concrète face à un problème qu'il leur semble insurmontable à la base:

On travaille donc sur les base de tout le monde mais on lui donne une utilité concrète et non simplement une application simpliste (=j'ai nue formule et je l'applique 100 fois pour la connaître)

Cela reste une idée comme une autre pour que vos élève en difficulté retrouve le goût des choses pas forcément simple et les exercices restant les même les premiers de classe ne s'ennuieront pas forcément mais leur perception des exercice par contre changera et ira vers une compréhension peut-être encore plus intéressante pour eux aussi.

Cela reste dans le domaine de l'idée c'est évident et voilà la pierre que je peux humblement amener à votre édifice.

Cordialement,