Tout ceci se passe au Cœur-du-Québec...
Quand j'étais petite, bien avant les protège-tibias au foot et les casques de hockey obligatoires, la plus belle activité récompense que mon père pouvait nous offrir l'hiver, c'était de nous amener, mon frère et moi, faire du traîneau. Nous allions alors sur une route déserte et là, il attachait le traîneau à la voiture et nous promenait à quelques milles à l'heure (cela se passait avant le système métrique au Canada). Quel bonheur !
Il s'agissait sans doute de routes privées de campagne, je ne sais pas. Je n'ai pas non plus souvenir d'avoir eu peur, d'avoir eu à faire des manœuvres spéciales pour arrêter sans qu'on se retrouve sous la voiture. Je suppose qu'il ne devait pas aller très vite. Je n'ai qu'un très vague souvenir de cela, une simple impression impérissable d'ivresse d'enfance. Sans doute mon père pour qui nous étions les êtres les plus précieux de l'univers a-t-il réalisé le danger de l'activité et il s'est dit plus jamais. Je me souviens nous entendre réclamer une balade de traîneau et l'avoir entendu répondre :
"C'est trop dangereux. Mais je peux vous amener glisser au Parc des Voltigeurs."
La vitesse dans la côte du parc valait bien la longueur tranquille de la route, l'échange était acceptable, on n'a plus réclamé. Il faut dire que le Cœur-du-Québec, c'est vraiment "le plat pays qui est le mien" !
C'est aussi lorsque j'étais au primaire que les enseignantes ont décidé de faire des tours de garde pour surveiller les autobus scolaires. C'est que le cher Jean-Roch et Louis-Jacques avaient réussi à en convaincre quelques uns à faire du ski bottine derrière les autobus. Il s'agissait de s'accroupir pour prendre appui sur les pare-chocs des autobus et de se laisser traîner jusqu'au coin de la rue. Je les ai bien regardés faire, mais je n'ai jamais essayé. Après son "Que je te vouèye faire", mon père m'avait expliqué combien c'était dangereux. À force de retenus et de séances de piquet, avant la fin de mon primaire, le ski bottine avait disparu de mon école. Existe-il encore au Québec ?
La semaine dernière, j'étais de ma ville natale quand une gang de filles a décidé de faire du car surfing. On ne l'aurait jamais su si l'une d'elle ne s'était pas blessée au point d'être transportée à l'hôpital de Trois-Rivières. La conductrice sera accusée de négligence criminelle. Ces jeunes filles ayant l'âge de la sienne, ma cousine était bien choquée par cet événement :
- D'après toi, est-ce qu'il n'y a que la conductrice qui est coupable dans cette affaire ou les autres qui étaient là le sont aussi ? D'après moi, elles sont toutes coupables.
Bien sûr, les médias aussi se sont emparés de l'affaire. On cherche des coupables. Youtube ? Internet ? Les jeux vidéos ? L'engouement pour les sports extrêmes ? Jackass ?
Pffffffffff...
Depuis bien avant tout cela, il m'arrive d'avoir des idées de trucs tarés que j'aimerais essayer en voiture et que je ne vous raconterai certainement pas ici, ne tenant pas à perdre mon travail ni à aggraver ma réputation et encore moins vous donner des idées ! Qu'est-ce qui m'arrête ? La compréhension des risques et la peur des conséquences. Des probabilités, de la physique, de la biologie, des notions de secourisme... des trucs que l'on apprend lorsque l'on est jeune et que, si on n'en a pas une idée précise, on en garde une intuition toute sa vie.
Quelle est la probabilité, lorsque vous êtes debout sur une voiture en mouvement que vous en tombiez ?
a) Faible
b) Moyenne
c) Élevé
Si vous sautez d'une voiture qui roule à 50 km/h, quelle est votre vitesse relative par rapport au sol ?
Les chocs sont-ils mieux amortis sur les surfaces molles ou sur les surfaces dures ?
Quelle est la dureté de l'asphalte de nos routes ?
Quelles sont les conséquences associées à des fractures multiples ? Une perforation d'un poumon ou du foie suite à une fracture des cotes ? Une rupture de la colonne vertébrale ? Un traumatisme crânien ?
Je ne sais pas pour vous, mais moi, sans être médecin, physicienne ni actuaire, ça me calme tout à fait.
Gabrielle Dionne est décédée à Trois-Rivières d'un traumatisme crânien subi après s'être fracassé la tête en tombant du coffre arrière d'un véhicule en marche. Elle avait également une fracture de la colonne vertébrale qui l'aurait laissée tétraplégique si elle s'en était sortie. La conductrice du véhicule sera accusée de négligence criminelle entraînant la mort. Compte tenu des circonstances, il serait étonnant qu'on la condamne à la peine maximale, soit la prison à perpétuité. Il est fort probable qu'elle devra plutôt purger sa peine dans la collectivité. Les quatre autres passagères ne seront accusées de rien, mais elles plaideront sans doute coupables toute leur vie.
Ce n'est pas la faute de la toile. C'est trop facile de l'accuser. Des idées folles, il y en a toujours eues, il y en aura toujours. Allez lire Gina Desjardins, elle vous en convaincra peut-être mieux que moi.
Il est probable que la télévision et le cinéma alimentent l'imagination. Mais qui, selon vous, est le principal modèle de nos jeunes en ce qui a trait à la conduite automobile ? Les parents.
Avez-vous vu cette vidéo qui fait le tour de la planète de l'Abitibien qui filme fièrement son fils de 7 ans au volant de sa voiture (sous la pluie et sans doute avec le régulateur de vitesse en place, puisque l'enfant ne peut certainement pas atteindre ni l'accélérateur, ni le frein) alors que la maman et deux autres enfants prennent place à l'arrière de la voiture ? Les réactions sont vives sur la toile. Les parents sont traités pour le moins d'irresponsables. Pensez-vous que ça donne l'idée à d'autres parents d'essayer ça avec leur enfant ?
Je crois que le seul moyen de prévention qui existe pour empêcher la réalisation des idées de tarés, c'est l'éducation. J'espère que les cinq filles qui étaient avec Gabrielle partiront en croisade pour permettre à d'autres jeunes de réaliser les conséquences de certaines idées folles. Avoir des idées, c'est bien. Être insouciant, irresponsable, c'est non seulement criminel, mais c'est dangereux pour soi ou pour les autres, souvent nos proches. Les lois ou la censure n'y changeront rien, l'éducation est la seule solution.
Et l'éducation passe encore mieux quand elle vient des pères* et des pairs.
* Pour la beauté de la phrase et étant donné le contexte, le mot "pères" inclut ici bien évidemment les mères.
6 commentaires
On a pensé au même sujet. Et en partie avec un angle semblable.
Je crois que l'éducation n'est pas la réponse à tout.
Dans la vie, il y a des gens que tu peux mettre devant les faits accompli, toutes les fonctions de répartition et utiliser la loi des grands nombre pour leur dire qu'au long terme, ils vont se la casser. Ils vont le faire pareil.
On parle d'éducation et ça ne changera pas tout. On s'entend que y'a aucune pub pro-cigarette mais je suis pas mal sur que y'a des nouveaux fumeurs chaque année.
Bienvenue dans le Brouillon Pierre-Luc.
Je ne crois pas non plus que l'éducation est la réponse à tout et qu'elle mettra fin à toutes les bêtises humaines, mais je pense que c'est le meilleur moyen de prévention et de sensibilisation que je peux concevoir qui apportera des changements de comportement significatifs.
Et puis, quoiqu'on dise, quoiqu'on fasse, on en trouvera toujours des dévoués pour alimenter la liste des nominés aux Darwin Awards !
Alors on s'entend là dessus:
1) Des niaiseux ila toujours en avoir et on ne pourra rien y changer.
2) Faut juste éviter que ceux là contimne tous les autres.
(On pourrait faire un problème de processus Stochastique genre, un niaiseux a 90% de chance de rester niaiseux en un an et un intelligent a 5% de chance de le devenir en un an.
Quelle est la probabilité qu'un niaiseux aujourd'hui soit intelligent dans 10 ans?)
J'aime assez de joli problème !
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