Exception faite des groupes d'étudiants que l'on a rencontrés auparavant, on se présente à la première rencontre de nos nouveaux groupes avec un gros point G.
G pour généralité. Les grands postulats. D'aucuns diraient «préjugés».
On fait le point sur ces étudiants à qui s'adresse le cours, sans les connaître, sur des généralités.
Au fur et à mesure que la dynamique du groupe s'installe, le P (situation particulière) vient donner de la couleur et modeler le G, en ajoutant des exceptions à la règle, en changeant la règle.
Nous planifions nos cours avant de rencontrer nos groupes. Enfin, le verbe « planifier » prend un sens différent ici d'une personne à l'autre. Certains de mes collègues ne se sentent prêts à rencontrer leurs groupes que lorsque le contenu et les supports de leurs cours sont prêts jusqu'à la mi-session. D'autres commenceront la session en n'ayant en tête que la planification des grandes étapes du cours notées au plan de cours. Il n'en demeure pas moins que pour tous la planification des premiers cours repose sur le point G.
Cette session, j'ai l'honneur de découvrir un programme que je fuis depuis des années (lire des siècles). Il faut dire que mes collègues étaient nombreux à les espérer, alors il n'était nullement nécessaire de tirer à la courte paille avec eux pour savoir qui hériterait de leurs cours. Mes postulats concernant ces étudiants ? Disciplinés, rigoureux, silencieux, individualistes, soumis, obéissants, drabes et sans imagination. Bref, la classe rêvée... enfin pour ceux qui aiment dormir.
Or voilà que depuis quelques sessions, les commentaires des habitués de cette technique venaient mettre des doutes sur la validité de ces généralités. Les doutes ont été ébranlés au point où cette session aucun enseignant ne voulait avoir ces étudiants. Ils étaient donc pour moi !
« La classe est trop hétérogène. Ils n'ont pas le même bagage mathématique, ce qui fait qu'on n’enseigne pour personne. »
Intéressant.
En mélangeant cela, il me semblait évident qu'en lançant le cours en brisant l'individualisme et en ébranlant les traditions, il serait par la suite plus facile par des activités pédagogiques collaboratives de pallier l'hétérogénéité des groupes.
J'entre donc dans chacun de mes groupes armée d'activités dignes de donner le goût à la fête à un camp de réfugiés... et il ne me faut pas beaucoup de temps pour réaliser que ces futurs entrepreneurs sont déjà en mode Club Med : indisciplinés, frivoles, bavards, insoumis, contestataires. Où est passé mon G ?
Bien sûr, le groupe que je rencontrais à 8 h était beaucoup plus calme que celui que je rencontrais à 14 h. L'horaire influence toujours le climat de classe et il ne faut pas espérer avoir les mêmes réactions à un même cours s’il est donné trop tôt le matin et tard en fin de journée.
C'est alors que je me suis dit qu'avoir une semaine entre le premier et le deuxième cours pourrait être une bonne idée pour s'ajuster le G et préparer en fonction des particularités de nos groupes... et de leurs horaires. Bien sûr, cette suggestion est irréaliste (horaires, convention collective, disponibilité des étudiants, aucune pertinence pour les étudiants). Mais bon, selon le G, un bon prof sait se retourner sur « un 10 cents » !